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choses. Trois républicains seulement, un nombre presque imperceptible de légitimistes avaient été élus en opposition à des candidats du gouvernement Sans doute, à côté d’une majorité d’hommes nouveaux, qui n’avaient point pratiqué le gouvernement parlementaire ou qui le connaissaient peu, quelques-uns en avaient goûté ; ceux-ci avaient peine à se figurer qu’ils ne resteraient point pleinement libres de leurs mouvemens et en position de dire franchement leur avis sur toutes les questions qui leur seraient soumises ; mais il était bien clair que tout essai d’opposition se briserait contre une majorité immense, toujours prête à faire cause commune avec le pouvoir.

Quant au conseil d’état, rouage primordial de la nouvelle constitution, on lui connaissait l’intention bien formelle de défendre avec vigueur toutes les lois et toutes les résolutions que le gouvernement soumettrait, à son appréciation ou à ses décisions. Moins fortement constitué dans son personnel que l’ancien conseil d’étal de l’empire, il pouvait l’égaler par le zèle. Les diverses sections étaient présidées par des hommes qui avaient pris une part active, les uns dans les événemens du 2 décembre, les autres dans les travaux de la commission consultative dont le prince-président s’était entouré le lendemain du coup d’état. Le conseil lui-même, dans son ensemble, n’était composé, comme le sénat, que d’hommes dévoués, et si quelques-uns, dans une circonstance exceptionnelle, devaient se ressouvenir d’anciens engagemens, sauf ce cas extraordinaire, le pouvoir n’avait à redouter de leur part aucune pensée d’opposition. Ainsi les trois corps politiques qui formaient au-dessous du pouvoir exécutif l’ensemble de l’administration supérieure apportaient au prince-président de la république un concours sans arrière-pensée. Après avoir souverainement reformé tout le mécanisme gouvernemental, ce pouvoir allait donc librement, gouverner selon ses vues. Ce fait, si singulier au lendemain du règne d’une liberté bruyante, était toutefois un phénomène intéressant pour la curiosité publique, et les partis consacraient toute l’attention dont ils restaient capables à suivre le jeu de cette constitution si habilement combinée pour concentrer toutes les forces du pays dans les mains de l’autorité suprême.

Le prince-président avait ouvert la session le 29 mars 1852 au palais des Tuileries. Le discours qu’il prononça à cette occasion mettait fin au régime dictatorial qui régnait depuis le 2 décembre. C’est de ce jour que commence réellement pour nous la série des faits qui forment le tissu de l’année 1852 et qui nous conduiront, en traversant la grande évolution qui amène l’empire avec sa constitution réformée, jusqu’au cœur de 1853, à la veille de la session où les institutions impériales vont subir à leur tour leur première épreuve.

Le sénat et le corps législatif entrèrent en séance l’un et l’autre le