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afflictions aient fait un seul moment fléchir son courage. Si nous insistons sur ce dernier point, c’est qu’il y a eu comme une épreuve providentielle dans la coïncidence de cette épidémie avec la fondation des évêchés coloniaux, créés en 1850 et organisés en 1851 et 1852 à la Martinique, à la Guadeloupe et à la Réunion. Cette création est un des faits les plus considérables qui se soient accomplis depuis longtemps dans nos colonies. Du temps de l’esclavage, elle avait été jugée impossible : non qu’à cette époque on n’éprouvât le besoin de régénérer le clergé colonial et de le relever de son impuissance morale, en lui donnant la hiérarchie religieuse, sans laquelle le piètre ne peut être qu’un fonctionnaire ecclésiastique ; mais alors le gouvernement entendait rester maître de son terrain et conduire la question de l’émancipation sans y faire intervenir une puissance qui aurait pu y devenir plus maîtresse que lui du mouvement. Cette objection ayant disparu devant le fait de l’abolition de l’esclavage, il ne restait plus qu’à donner aux colonies ce qui leur manquait du côté de l’organisation catholique : le gouvernement l’a fait avec une résolution dont il faut le louer ; il ne s’est pas arrêté devant les scrupules de ceux qui craignaient de voir élever, à côté de l’autorité des gouverneurs, une sorte de pouvoir rival, prêt à la balancer et peut-être à la dominer. Dans deux colonies, la Martinique et la Réunion, l’expérience a démenti ces prévisions, et le sucées de l’épiscopat se développe sans que l’autorité temporelle puisse y voir aucun germe de conflit sérieux. Des difficultés survenues dans le troisième des évêchés, celui de la Guadeloupe, se sont en dernier lieu aplanies, et on verra sans doute devenir générale, avant qu’une année s’écoule, la justification de la pensée qui a présidé à la création de ces lointains diocèses.

Tout ce que nous venons de dire se rapporte à nos principaux établissemens d’outre-mer, à nos colonies agricoles. Peut-on encore ranger dans ce nombre la Guyane, cette vaste contrée, grande comme le quart de la France, où le travail, à la différence de ce que nous venons de constater pour les Antilles et la Réunion, s’est presque entièrement affaissé depuis 1848 ? Les exploitations s’y relèveront-elles enfin sous l’influence des règlemens énergiques dont le ministre de la marine, M. Ducos, a prescrit l’application ? Les efforts de l’administration triompheront-ils de ce triple obstacle, — la dissémination de la population, — la facilité qu’elle a de s’étendre à volonté et de vivre presque sans travail sur un sol si fertile, — la ruine aujourd’hui presque générale des propriétaires, à qui les ressources manquent pour reconstituer et rémunérer leurs anciens ateliers ?

Pendant que ce problème se poursuit, l’œuvre de la déportation, à laquelle le territoire de la Guyane est affecté, s’est développée depuis un an à travers quelques vicissitudes regrettables. La mesure, on le sait, a commencé par être décrétée le 8 décembre 1831, pour être appliquée seulement aux transportés politiques et aux repris de justice en rupture de ban ; puis, l’Algérie ayant été destinée à recevoir la majeure partie des hommes atteints par ce décret, le gouvernement a voulu utiliser immédiatement les préparatifs considérables et dispendieux qu’il avait commencés, les approvisionnemens importans qu’il avait réunis. Fort des conclusions d’une commission qui avait été formée en 1851, sous la présidence d’un amiral, et qui avait désigné la Guyane comme la localité où la déportation devait être entreprise, le gouvernement n’a pas cru nécessaire