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ZEND-AVESTA : YASNA 19. — BAGHAN YASHT 1


parole que j’ai prononcée avant l’existence du ciel, avant les eaux, avant la terre, avant le Bœuf, avant les plantes, avant le Feu, fils d’Ahura Mazda, avant le Juste, avant les démons, les brutes et les hommes, avant tout le monde des corps, avant toutes les choses bonnes, créées par Mazda, issues du Bien.

5 (6). Et cette prière divine de l’Ahuna Vairya, ô Spitâma Zarathustra, chantée (une fois) sans intercalations 18[1] et sans somnolence 19[2], vaut cent autres des cantiques maîtres 20[3], chantés sans intercalations et sans somnolence. Chantée avec intercalations ou avec somnolence, elle vaut dix autres des cantiques maîtres.

6 (9). Et celui qui dans ce mien monde corporel, ô Spitâma Zarathushtra, lit 21[4]cette prière divine de l’Ahuna Vairya, la lit et la récite par cœur 22[5],

    23). On le traduit généralement par « division » et il désignerait les membres de phrase dont est composée la prière : mais bagha désigne visiblement toute la prière et non ses sections et cette traduction ne repose que sur la traduction, mal interprétée, de Nériosengh, vibhańjanâ « division », qui en réalité représente le pehlvi bakhtârih « action de répartir », c’est-à-dire « de donner ». bagha est un féminin qui ne peut se séparer du masculin bagha « qui répartit, qui donne, libéral » (cf. Yt. VII, 5, baghem : bagh, {{persan}} [en écriture {{arabe}} ?] « qui donne la part, c’est-à-dire qui donne aux hommes leur pain quotidien ». Ce masculin bagha a donné en zend et en perse (comme en slave : russe bog) un des noms de la divinité considérée comme l’être qui donne sa part à chacun. C’est pourquoi je traduis bagha « prière divine », car bagha s’oppose à ratu et son opposition à ratu gàtha « cantique maître » confirme cette traduction ; car le dieu libéral, bagha, s’oppose au dieu maître, ratu, et nous verrons plus loin Ahura adoré dans la même formule comme bagha et comme ratu (Y. LXX, 1)<span class="coquille" title=" par opposition à Zarathushtra invoqué seulement comme ratu.">{{{2}}} La bagha de l’Ahuna Vairya est proprement « la libéralité de l’Ahuna » et c’est ainsi que l’entend le pehlvi qui interprète la bakhtârih de l’Ahunvar par : nîvakih min danâ fargart « le bien qui découle de ce Fargart ».

  1. 18. an-aipyukbdha, pun a-barâ gavishn ; glose : « c’est-à-dire qu’on ne dit pas au milieu un autre Avesta (texte sacré) ».
  2. 19. an-aipishùta (pour an-aipisùta) ; a-barâ sûtakih « sans repos, sans indolence ou somnolence » (cf. p. â-sûdan « reposer » ; glose : aighash barâ là khalmùnit « c’est-à-dire qu’il ne s’endort pas au milieu » ; le Minokhard compte l’indolence au nombre des défauts du prêtre (LIX, 7). Cf. Y. XXVIII, 10, note 38.
  3. 20. rathwàm gàthanǎm ; probablement les Galbas qui sont dites ratu-khshathra « seigneur des Ratus, des maîtres » (v. Y. LIV fin). — Sur l’opposition de bagha à ratu, voir note 17.
  4. 21. marât, ôshmûrit aigh safarùnit (P.), adhyeti kïla poshayati (lire pustakayati) ; désigne la lecture pour l’étude ; première opération de l’étudiant prêtre.
  5. 22. Ayant lu, il faut répéter par cœur : drenjayàt ; P. narm barâ obdûnât : N. gunayati.