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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

« Il fait régner Ahura, celui qui secourt le pauvre. »


La première phrase pose dans la volonté du Seigneur la loi du bien ; la seconde promet les récompenses du Paradis à ceux qui vivent selon la loi de Dieu ; la troisième investit d’une sorte de droit divin le prince qui use du pouvoir pour soulager le pauvre.


La première phrase résout dans le sens théologique la question débattue par Platon si le bien est bien en soi ou parce que Dieu le veut tel. Le sens littéral est : « comme est le désir du Seigneur, ainsi est la règle en fait de sainteté » ; ainsi du moins traduit le pehlvi 6[1], prenant ratu au sens abstrait et traduisant ahû vairyô comme une sorte de composé. Mais on peut aussi prendre ratu dans son sens concret ordinaire de » celui qui donne la règle, le directeur de conscience, le maître spirituel, le Dastùr (Dastôbar) » ; en ce cas, vairyô sera qualificatif, comme il l’est dans khshathrem vairîm, et ahû vairyô sera « le Seigneur qui fait ce qu’il désire », c’est-à-dire le Maître absolu. Le sens de la phrase sera : « Comme il est le Seigneur tout-puissant, ainsi est-il le maître spirituel », ce qui présente sous forme concrète le même principe que l’autre traduction donne sous forme abstraite, à savoir l’identité en Ahura du maître temporel ou ahu 7[2] et du maître spirituel ou ratu.

Il n’y a sur terre de société bien ordonnée que celle qui reconnaît ces deux autorités. Dans la société sassanide, qui réalise l’idéal avestéen, l’une est représentée par le prince, le Khutâi (ahu), l’autre par le prêtre dirigeant, le Rat (ratu), ou Dastùr (Dastôbar), ou Maubad (Magûpat) : le barbare ou l’impie n’a point de chef (asârô), point de guide spirituel dont il suive les avis (asraoshô). Au sommet de la hiérarchie des ahu se trouve le Roi des Rois ; au sommet de celle des ratu le Maubadàn Maubad. Le Constantin du Mazdéisme, Artashir (Ardéchir), expose, en mourant, à son fils Shàhpùhr (Sapor), cette théorie de l’alliance du trône et de l’autel : « Sachez,

  1. 6. « Comms est le désir de l’Ahù, — c’est à-dire comme est le désir d’Auhrmazd —, ainsi régulièrement (ratihâ) —, c’est-à-dire conformément au bien — en fait de vertu — en fait de bonnes œuvres ».
  2. 7. Le nom même d’Ahura est un dérivé de ahu « seigneur ».