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ANNALES DU MUSÉE GUIMET
til s’était laissé duper par des charlatans, car il est impossible qu’un législateur comme Zoroastre ait écrit de pareilles platitudes. « Le premier ouvrage que vous nous offrez n’est qu’une liturgie ennuyeuse avec le détail de quelques cérémonies absurdes. Voici le style de ce livre inintelligible : Je prie le Zour et je lui fait iescht. Je prie le Barsom et je lui fait iescht. Je prie le Zour avec le Barsom et je lui fait iescht[1]… Il est bon d’avertir ici que le Zour n’est que de l’eau et que le Barsom n’est qu’un faisceau de branches d’arbres. Zoroastre ne pouvait écrire des sottises pareilles… Ou Zoroastre n’avait pas le sens commun, ou il n’écrivit pas le livre que vous lui attribuez… Ainsi, ou vous avez insulté le goût du public en lui présentant des sottises, ou vous l’avez trompé en débitant des faussetés, et de chaque côté vous méritez son mépris. » Son grand argument, comme on voit, c’est que les idées exprimées dans l’Avesta n’étaient pas à la hauteur du siècle et que Zoroastre n’avait pas lu l’Encyclopédie. « On ne peut, écrivait Voltaire à la même époque, lire deux pages de l’abominable fatras attribué à ce Zoroastre sans avoir pitié de la nature humaine. Nostradamus et le médecin des urines sont des gens raisonnables en comparaison de cet énergumène[2]. » Jones, en bon élève de Voltaire, se rappelle à l’occasion qu’il a lu la Bible enfin expliquée : « On ne dira rien des obscénités qui sont prodiguées dans quelques passages de vos prétendus livres, lesquelles vous rendez plus dégoûtantes, s’il est possible, par vos notes. On aurait cru que le précepte vitanda est rerum et verborum obscœnitas regardait surtout les ouvrages de morale et de religion. Mais vous faites dire au bon principe des Guèbres des saletés, qu’une sage-femme rougirait de répéter parmi ses commères. Vous ne savez, dites-vous, comment les exprimer honnêtement. Eh ! pourquoi les exprimer du tout ? C’était pour faire voir combien vous possédiez votre persan. » William Jones, en homme éclairé, pense qu’une œuvre ne vaut qu’autant qu’elle contribue au bonheur de l’humanité. « Supposons que ce recueil de galimatias contienne réellement les lois et la religion des anciens Perses, était-ce la peine d’aller si loin pour nous en instruire ?… S’il était possible de recouvrir (sic) tous les livres de
  1. Début du Yasna, Hà II
  2. Dictionnaire philosophique, article Zoroastre.