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ZEND-AVESTA  : YASNA 12 ET 13. — APPENDICE


temps d’Alexandre le dynaste bactrien Sisimithrès épousant sa mère : mais l’abondance des témoignages généraux et leur caractère affirmatif 14[1] mettent hors de doute que ces pratiques royales n’étaient point une chose isolée, la fantaisie de perversions individuelles et toutes-puissantes. L’histoire ancienne de la famille est partout trop obscure pour qu’il soit permis de nier a priori l’antiquité de la pratique en Iran.

Sur l’attitude des Mages à l’égard de cette pratique, nous n’avons aucune donnée. D’ailleurs la religion de l’Avesta, à l’époque achéménide, était loin d’être toute-puissante dans la Perse propre et il est impossible d’affirmer que le clergé zoroastrien ait apporté la sanction religieuse à ces formes du Khêtùk-das, encore moins les ait encouragées. Mais si on arrive à des époques plus récentes, le Dînkart et la littérature pehlvie, qui représentent l’esprit sassanide, prouvent que, dans les premiers siècles de notre ère, le mariage incestueux était devenu un sacrement, trop rare, mais d’autant plus méritoire. Le mariage du grand roi Yima avec sa sœur Yimak devint l’idéal du Khêtùk-das 15[2]. Les exemples historiques sont, il est vrai, moins nombreux sous les Sassanides que sous les Achéménides : le seul, à ma connaissance, est celui de Qobad (448-531) épousant sa fille, Sambyce (Agathias, II). Mais vers la même époque, les invectives d’Eznig, accusant Zoroastre d’avoir inventé des mythes incestueux « afin qu’en voyant cela, sa nation se livrât aux mêmes turpitudes » 16[3], prennent une valeur particulière de leur concordance singulière avec les théories du Dînkart. Parmi les martyrs qui souffrirent sous Kosroès Parvîz en 614 se trouve un certain Mihrangushnasp qui, avant sa conversion au Christianisme, avait épousé sa sœur « selon la coutume scandaleuse que ces mécréants tien-

  1. 14. Strabon, XV, 735 : τούτοιζ δέ καί μητράσι συνέρχεσθαι πάτριον νενόμισται.
  2. 15. West, Pahlavi Texts, II, 418 ; cf. Bund. XXIII. — Le bel hymne védique où Yama repousse au nom de la morale sa sœur Yamî qui l’invite à l’inceste semble être une protestation soit contre le Khêtûk-das iranien, soit contre une forme ancienne de ce Khêtûk-das dans l’Inde (Ormazd et Ahriman, p. 106, n. 2 ; Casartelli, What was Khêtûk-das, p. 8). — La légende de Minocihr présente un cas étrange de Khêtûk-das entre père et fille : Iraj ayant été assassiné par ses frères et ne laissant qu’une fille, son père Ferîdûn, pour lui engendrer un vengeur, épouse sa fille, puis la fille née de cette union, et ainsi de suite jusqu’à la septième génération (Maçoudi, II, 145 ; Études iraniennes, II 217 sq.).
  3. 16. Réfutation des sectes des païens, tr. Le Vaillant de Florival, p. 94.