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ANNALES DU MUSÉE GUIMET
Prière à Haoma qui fait que le pauvre se sent aussi grand que s’il possédait la science parfaite 40[1]

Tu rends maint homme plus prospère et plus sage ; l’homme qui te donne, ô Haoma d’or, l’offrande de bœuf et celles qui suivent 41[2].

    et mieux encore, et plus près de notre texte, dans le conte des Pages de Darius, lit, 18 : « Le vin fait que l’esprit du roi et celui de l’orphelin, celui de l’esclave et celui de l’homme libre, celui du pauvre et celui de l’homme riche, soient dans la même disposition… Il rend tout le monde riche, et fait qu’on ne parle plus que de millions » (tr. Reuss, La Bible, VIII, 626).
    Mais il ne faut pas oublier que Haoma n’est plus, s’il l’a jamais été, une liqueur enivrante à la portée de toutes les lèvres : il ne s’agit dans tout ceci que des quelques gouttes de Haoma, et le pauvre qui les boit est le prêtre qui seul a le droit d’en boire et seulement en cérémonie.

  1. 40. yat usnäm aèti vaêdhya ; litt. « [aussi grand] que si la science va à son plaisir » (usâm, khorsandih ; vaêdhya est omis dans la traduction pehlvie, mais dans tous les passages traduits où il parait, il est rendu par âkâsih « connaissance » : Y. IX, 83 ; XIV, 7 ; XXII, 29 ; XXV, 18). Cette science parfaite est celle du chef suprême de la religion : car c’est la supériorité de science qui fait le chef des prêtres (mazishtaîsh vaèdhyàish, Y. XIII, 3 [XIV, 7]. La phrase revient donc, comme l’indique la glose, à celle-ci : « autant le Mobed des Mobeds a plaisir à son pouvoir suprême, autant lui a plaisir à son sacrifice » (min yashtàrîh).
  2. 41. yase tê hàdha…gava- iristahê hakhshaitè. M. Spiegel traduit : wer dir giebt was mit den Thieren zusammenhängt « qui te donne ce qui est en rapport avec les animaux » et voit là une allusion à la recommandation faite Y. XI, 5, d’offrir à Haoma la tête de tout animal que l’on égorge. M. de Harlez traduit : « Celui qui te mange (dans le sacrifice) mêlé au lait » : il assimile sans doute bakhsh au grec φαγ. Comme le zend n’a pas d’exemple de bakhsh au sens de « manger » et qu’il en a beaucoup de bakhsh au sens de « donner, partager », d’où le perse bakhsh-îdan < donner », et que d’autre part la tradition traduit khalkûnêt « il donne », il n’y a pas de doute que c’est M. Spiegel qui est dans le vrai et la seule difficulté est de déterminer le sens de gava-irista. Le pehlvi a gôsht-gûmîkht (N. go-samçlishtam) Arshûkht « ce qui est uni à la viande, c’est-à-dire Arshükht ». Arshûkht est le zend Arshukhdha « parole droite », c’est-à-dire l’Avesta récité comme il faut (v. Y. XVI, 1, note) : or une formule de style dans les Yashts nous montre l’Arshukbdha comme dernier terme d’une série d’offrandes dont gao est le premier terme : baoma yô gava baresmana hizvô-dahhanha màthraca vacaca shyaothnaca zaothrâbyasca arshukdhâêihyasca vàgbzbibyô « le Haoma avec la viande, le Baresman, la sagesse de la langue, le texte divin, la parole, les actes, les libations et les paroles droites » (Yt. V, 17 et passim). Cette énumération, qui est un abrégé de tout le sacrifice zoroastrien, commence par Haoma et la viande et termine par Arshûkht. Haoma étant dans notre passage hors de cause, puisqu’il est l’objet même du culte, le sacrifice comprendra toutes les offrandes depuis gava jusqu’à arshukhdha : notre phrase revient donc à : « celui qui t’offre le sacrifice zoroastrien ». Ce passage prouve aussi l’antériorité d’une littérature des Yashts sur le Hôm Yasht (voir plus haut, p. 83).