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LE MYTHE DE VÉNUS

Sidon. De là il rayonna sur tous les rivages de la Méditerranée. Resserrés entre le Liban et la nier, sur une langue de terre incapable de les nourrir, les Phéniciens étaient destinés par la nature même à devenir un peuple de navigateurs. N’ayant d’autre issue à leur activité que la mer, ils en firent leur domaine. Leur puissance maritime a couvert la Méditerranée et s’est même répandue au delà. Par les colonnes d’Hercule (leur Hercule, Moloch, c’est-à-dire le roi), ils allaient chercher l’ambre jaune jusque sur les rivages de la Baltique, et l’étain jusqu’aux îles Cassitérides, qui n’étaient pas les Sorlingues, comme on l’a cru longtemps, mais les Açores.

Dans ces courses lointaines il leur fallait des points de repos, des comptoirs, des ports où ils pussent ravitailler leurs navires. Partout ils fondèrent des temples de leur grande déesse ; et leurs besoins de débauche, si communs parmi les navigateurs de tous les temps, trouvaient dans ce culte même une satisfaction, un encouragement, une sorte de consécration, car tous ces temples étaient desservis par des colléges de courtisanes.


IV

Il est facile de noter les principales de ces stations. Cypre d’abord, qui est une île presque entièrement phénicienne ; puis Cythère, plus près de la Grèce, non loin du Péloponnèse ; puis Corinthe, Eryx et Panorme (Païenne) en Sicile. Marseille et Port-Vendres (Portus Veneris) en France ; Carthage sur la côte sud de la Méditerranée ; peut-être Carthagène en Espagne, à moins que celle-ci ne fût proprement une colonie carthaginoise. C’est en résumé l’itinéraire d’Aphrodite. Hérodote nous la montre allant de Cythère à Cypre ; c’est le contraire qu’il devait dire. Les interversions de ce genre sont fréquentes dans la mythologie grecque. Les Grecs croyaient que tout venait d’eux, et ils faisaient retourner leurs dieux aux lieux d’où ils les avaient reçus.

Cypre tout entière était vouée au culte de sa déesse. Les sanctuaires de Paphos et d’Amathonte ont eu en Grèce une grande célébrité. Mais pour comprendre combien la divinité qu’on y adorait était loin d’être la véritable Aphrodite, il suffit de savoir sous quelle étrange figure elle y était représen-