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LE MYTHE DE VÉNUS

ou Mylitta de Babylone (Muallidat, la génératrice) dont Hérodote, qui l’appelle Aphrodite, nous raconte les rites impurs, si étranges pour notre délicatesse moderne. Déesse de la fécondité et des instincts qui assurent la transmission de la vie, il semblait naturel de l’adorer par l’impudicité. À Cypre notamment, comme à Babylone, la prostitution faisait partie de son culte. Sous des noms divers elle paraît avoir régné en souveraine sur tous ces peuples sensuels de l’Asie occidentale : car on trouve chez la Cybèle des Phrygiens un grand nombre de traits qui permettent de les confondre. On la retrouve aussi à Karkémish sous le nom d’Atargath, à Ninive sous celui d’Istar, en Babylonie sous celui de Zarpanit (la productrice des êtres) ; à Carthage elle s’appelle Baalthis ou Baaleth, c’est-à-dire dame, maîtresse, forme féminine du mot Baal. On croit que les Arabes la nommaient Alilat, et on l’a rapprochée de l’Athor égyptienne, la dame des eaux d’en haut, c’est-à-dire du ciel.

Nous ne nous aventurerons pas à rechercher, avec quelques mythologues, quelles idées astronomiques ou même métaphysiques pouvait voiler à l’origine, et pour les prêtres ou les savants de la Phénicie, cette notion de leur grande déesse. M. Lajard a cru pouvoir la faire rentrer dans le vaste ensemble d’un système cosmogonique qui formait, selon lui, la théologie primitive des peuples chananéens. Qu’Astarté ait été d’abord une personnification des ténèbres primordiales d’où toutes choses sont sorties, il est permis de le croire, car les Grecs eux-mêmes semblent avoir eu cette idée de leur Aphrodite. Cela résulte d’un hymne du Pseudo-Orphée déjà signalé par Larcher. « Ô Nuit, mère des dieux et des hommes. Nuit principe de tout, et que nous appelons Aphrodite. » Mais à coup sûr ces allégories mystiques ne descendaient point dans la foule. Pour elle Astarté était la déesse de l’union des sexes, de la volupté sensuelle, et par suite trop souvent du libertinage^^1.

S’il faut en croire les témoignages anciens, c’est d’Ascalon en Syrie, où on la nommait Derkéto, et où on la représentait sous la forme d’un poisson avec le buste d’une femme, que le culte d’Astarté fut importé à Tyr et à

1 c’est ici l’occasion de rendre justice au Mémoire sur la déesse Vénus, publié par Larcher en 1775. Si la méthode en est quelquefois douteuse, l’étendue des connaissances en fait un travail capital, bien souvent utilisé par des érudits étrangers qui ne l’ont pas cité.