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Dans le courant du xviiie siècle et les premières années du xixe, les Américains s’occupèrent à plusieurs reprises de la création de vignobles dans leur pays, au moyen de plants importés de Madère, de France et d’Allemagne. Ces tentatives ne furent pas couronnées de succès. Notre espèce Vitis Vinifera n’étant pas assez robuste pour un climat dont les hivers sont généralement plus rigoureux, les étés plus chauds que sous les mêmes latitudes dans l’ancien continent. Après ces tentatives avortées, les viticulteurs américains et notamment M. Longworth, jetèrent les yeux sur l’espèce Vitis Labrusca existant à l’état sauvage, et connue sous le nom vulgaire de Fox grape ou Raisin de Renard, et généralement répandue depuis la Floride jusqu’au lac Erié.

Cette espèce n’avait pas échappé à l’attention des premiers émigrants européens qui vinrent coloniser les vastes contrées dont les richesses végétales excitèrent leur admiration.

On cite ces faits, qu’en 1564, une quantité assez considérable de vins fut faite avec des raisins sauvages de la Floride. Dans la Louisiane, les Jésuites plantèrent des vignobles au moyen de vignes indigènes ; mais cette colonie appartenait alors à la France. Cette culture fut interdite, et les vignes arrachées dans l’intérêt des vignobles de la mère patrie. Exemple frappant des abus du régime colonial.

Après l’insuccès des tentatives d’importation de vignes européennes, d’autres cultivateurs eurent la sagacité de ne pas verser dans cette erreur, et ils substituèrent à ces vignes les meilleures variétés indigènes. MM. Longworth et Adnum, furent les premiers à adopter cette ligne de conduite. Les meilleures variétés essayées dans cette première période, furent le Scuppernong du Sud, le Cape ou Schuytkill et l’Isabella. Ce dernier raisin importé depuis longtemps en Europe, y est très-connu et peu estimé comme raisin de table. Ces premiers essais ne produisirent que des vins de qualité inférieure, et les vignobles de l’Ohio n’ont pris une extension rapide qu’à partir de l’acquisition de la vigne célèbre nommée Catawba, dont un auteur américain a dit que son introduction a été plus avantageuse aux États-Unis que ne l’eût été le remboursement de toute la dette nationale. En effet, le premier vignoble planté par M. Longworth, près de Cincinnati, date à peine de 40 ans, et en 1859 on comptait déjà, aux environs de cette ville, près de 300 propriétés utilisées de cette manière ; les plantations de vignes se sont rapidement étendues sur d’autres territoires, et même jusqu’en Californie.

Le fleuve Ohio est déjà surnommé le Rhin de l’Amérique, Cincinnati en est le centre, et l’on se flatte de concourir, dans quelques années, à l’approvisionnement de l’Europe.

M. William Prince, dans son Traité sur la vigne, publié à New-York en 1830, énumère quatre-vingt-huit variétés de raisins nées du Vitis Labrusca. En 1859, M. Longworth m’écrivait que l’ardeur pour ce genre de recherche est telle, qu’il estimait déjà à plus de mille, le nombre de ces variétés. Quatre ou cinq d’entre elles sont employées dans les vignobles, où le Catawba domine cependant, et évincera sans doute ses congénères.

Nous possédons ces vignes spéciales et un certain nombre d’autres, découvertes plus récemment. Elles seront étudiées au point de vue de la Belgique.

En attendant que nous soyons en mesure de signaler celles dont l’introduction dans nos cultures serait profitable, nous mentionnerons les caractères généraux les plus saillants de l’espèce américaine, tels que nous les avons observés.

Les sarments sont plus grêles et plus allongés que ceux des variétés du Vitis Vinifera, la distance entre les nœuds ou bourres est beaucoup plus grande. L’espèce paraît en général des plus vigoureuses et peu sensible aux rigueurs de l’hiver.

Les feuilles sont grandes, peu ou pas lobées, ainsi qu’on l’a souvent remarqué sur les vignes voisines de l’état sauvage, elles sont pubescentes en dessous, d’un vert foncé au-dessus, à nervures grossières et très-saillantes.