Page:Annales de mathématiques pures et appliquées, 1830-1831, Tome 21.djvu/359

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mer à l’avance le tableau général, attendu que l’un quelconque étant donné, on saura toujours positivement de quelle manière devra être figuré celui qui le précédera ou le suivra immédiatement.

On peut dire exactement la même chose de notre écriture vulgaire. Puen n’empêche, en effet, de considérer tous les mots du vocabulaire d’une langue comme autant de caractères composés ; et il sera vrai alors de dire qu’une langue a autant de lettres qu’elle a de mots. C’est même là ce qui arrive communément dans une lecture rapide où nous nous arrêtons qu’à la physionomie générale des mots ; et cela à tel point que certains mots peuvent manquer d’une lettre, d’autres en avoir une de trop, ou bien encore contenir une lettre au lieu d’une autre, sans que cela nous empêche de les reconnaître, et quelquefois même sans que nous y fassions la moindre attention.

Aujourd’hui nos chiffres

au nombre de dix, lorsqu’on y comprend le zéro, n’ont aucun rapport naturel avec les nombres qu’ils sont destinés à représenter, et ce sont de purs signes d’institution qu’on ne peut, qu’en l’apprenant d’autrui, et par un pur effort de la mémoire, lier aux idées qu’ils sont destinés à rappeler ; mais il n’en dût pas être de même dans l’origine, et il est même présumable que, si l’inventeur de ces chiffres leur eût donné, dès l’abord, la figure qu’ils ont aujourd’hui, il n’aurait jamais réussi à les faire admettre. Par une bizarrerie assez remarquable il arrive, en effet, que, bien qu’aujourd hui la presque totalité des signes dont se composent nos langues, soit écrites, soit parlées, soient des signes purement conventionnels, n’ayant aucun rapport naturel avec les objets ou les idées qu’ils sont destinés à représenter, nous nous