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ture cursive, soit dans un énoncé rapide, plusieurs de ces caractères et de ces noms se distinguent mal les uns des autres ; combien de gens, par exemple, qui, pour écrire le mot minimum, ne font autre chose que d’écrire quinze barres verticales consécutives, sur l’assemblage desquelles ils placent deux points à peu près au hasard. On conçoit, d’après cela, que, s’il fallait seulement inventer cinquante mille caractères et leur imposer des noms, de telle sorte que deux de ces caractères et de ces noms ne risquassent jamais d’être pris l’un pour l’autre, ce ne serait pas par des formes et par des sons très-simples que l’on pourrait se flatter d’y parvenir.

Remarquons bien d’ailleurs qu’il n’en estpoint du tout ici comme des mois de nos langues vulgaires, qu’il y a souvent peu d’inconvéniens à écrire mal et à mal prononcer, attendu que le sens du discours, dans lequel ces mots se trouvent enchassés, offre d’ordinaire un préservatif suffisant contre les méprises qu’on pourrait commettre ; tandis que communément les mots qui précèdent et ceux qui suivent un nombre mal écrit ou mal prononcé ne sauraient offrir aucune lumière pour en découvrir la véritable signification[1].

Ce que nous venons de dire ici de la langue des nombres est exactement applicable à nos langues vulgaires. On pourrait fort bien tenter, en effet, d’écrire et d’énoncer toutes nos pensées à

  1. Ajoutons, pour les lecteurs à qui les procédés du calcul ne sont pas étrangers, que, dans ce système de numération, les grands calculs seraient à peu près impossibles. L’art d’opérer sur les grands nombres se réduit, en effet, à décomposer les calculs en d’autres plus simples, dans lesquels les nombres sur lesquels on opère n’ont qu’un chiffre unique, et dont il faut savoir les résultats de mémoire. Or, ici les nombres étant tous d’un seul chiffre, il faudrait savoir de mémoire tous les résultats d’opérations, sans avoir aucune ressource pour les découvrir.