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complètement des avantages précieux qui nous avaient d’abord séduits dans l’autre. Il ne manque pas de gens, en effet, à qui on a bien de la peine à enseigner à lire et à écrire, parce qu’ils ne peuvent que difficilement parvenir à distinguer les unes des autres, de manière à les nommer sans hésitation, les vingt-quatre lettres de notre alphabet, et qu’ils ne peuvent que plus difficilement encore apprendre à les figurer avec la plume. De telles gens éprouveraient évidemment le même embarras et les mêmes peines pour apprendre seulement, dans un pareil système de numération, à nommer et à écrire les vingt-quatre premiers nombres naturels, ce qui serait certes très-loin de pouvoir satisfaire même aux besoins d’une civilisation encore au berceau.

Des supputations faites sur des résultats d’expériences, en petit, ont conduit à conjecturer, avec quelque vraisemblance, que toute la durée de la vie d’un homme d’une capacité commune lui suffirait à peine pour apprendre à discerner, les uns des autres, cinquante mille caractères différens, en retenir les noms et appliquer sûrement chaque nom à chaque caractère. Voilà donc qu’en adoptant un semblable système de numération, tout le cours de la vie humaine serait nécessaire pour apprendre à nommer et écrire, à volonté, les cinquante mille premiers nombres naturels, sans qu’il nous restât du temps pour faire quelque utile application de cette vaine connaissance, lorsqu’après beaucoup de temps et de peine, nous serions parvenus à l’acquérir.

Nous avons fait, d’ailleurs, une concession beaucoup trop large, en admettant que, dans ce système, les nombres écrits occuperaient peu d’espace, exigeraient peu de temps pour être énoncés, et se distingueraient très-facilement les uns des autres, soit dans l’écriture, suit dans le langage. Nous n’avons que vingt-quatre caractères seulement dans notre alphabet, et vingt-quatre noms qui leur répondent, et déjà, pour n’avoir point voulu compliquer trop les uns et les autres, il arrive fort souvent que, soit dans l’écri-