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C’est une chose fort ordinaire à l’esprit humain, lorsqu’il s’est mal trouvé d’un parti extrême, auquel il avait d’abord cru devoir s’attacher à raison des avantages qu’il avait pensé pouvoir-s’en promettre, de se jeter aussitôt dans l’extrême contraire. Il est donc présumable que, frappés des défauts du système que nous venons de repousser, les hommes auront songé aussitôt à un système tout contraire, consistant à inventer un chiffre particulier pour représenter chacun des nombres naturels, à donner un nom à ce chiffre et a convenir que le nom du chiffre serait aussi le nom du nombre qu’il représenterait. C’est ainsi que nous en usons nous-mêmes pour les neuf premiers nombres naturels ; de sorte que, pour continuer sur le même plan, il ne serait questions que d’inventer de nouveaux caractères et de nouveaux mots pour écrire et nommer les nombres que nous appelions douze, treize, quatorze, …

Ce système sauve complètement les inconvéniens qui nous avaient frappés dans l’autre et qui nous avaient déterminé à lui donner l’exclusion. On voit, en effet, qu’en l’adoptant, il ne faudrait ni plus d’espace ni plus de temps pour écrire et énoncer un grand nombre que pour en écrire et énoncer un petit, puisque l’un et l’autre s’écriraient avec un chiffre unique et s’énonceraient par un seul mot. Ajoutons qu’on ne courrait plus alors le risque de confondre entre eux, soit dans l’écriture, soit dans l’énoncé, deux nombres qui ne différeraient seulement l’un de l’autre que par quelques unités ; puisque chacun deux se trouverait affecté un chiffre et un nom spécial.

Mais, pour peu qu’on se donne la peine d’y réfléchir, on comprendra aisément que l’adoption d’un tel sysième nous priverait


    d’écrire le second à la droite du premier, et, pour l’en retrancher, il suffirait de supprimer dans le premier autant d’unités qu’en offrirait le second. On trouverait dans les autres opérations une facilité analogue.