Page:Annales de mathématiques pures et appliquées, 1830-1831, Tome 21.djvu/345

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

deux toises, et demanderait au-delà d’une demi-heure pour être énoncé.

À cet inconvénient, déjà plus que suffisant pour faire abandonner une pareille invention, vient s’en joindre un autre, peut-être beaucoup plus grave encore ; il naît de la confusion que laisse inévitablement dans l’esprit cette multiplicité de caractères et de mots semblables, du montent qu’ils deviennent tant soit peu nombreux. Écrivons, en effet, de cette manière, deux nombres un peu grands et peu différens, tels, par exemple, que ceux-ci :

i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i, i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i i,

il serait certes bien difficile de prononcer ; à la simple vue, s’ils sont égaux ou inégaux, et, lors même qu’on serait averti à l’avance qu’ils sont inégaux, on aurait peine à reconnaître quel est le plus grand des deux ; et il en irait exactement de même si, au lieu de les voir écrits, on les entendait énoncer, tour à tour, de la manière qui a été expliquée plus haut. Pour peu même que les chiffres du plus grand seraient serrés plus que ceux du plus petit, ou que la lecture en serait plus rapide, on pourrait très-bien prendre le change, et juger le plus grand des deux celui-là précisément qui serait le plus petit. On en serait réellement réduit à juger de la grandeur relative des nombres par le plus ou le moins d’espace qu’ils occuperaient, par le plus ou le moins de temps qu’exigerait leur énoncé ; moyens peu propres, on le sent fort bien, à les faire exactement apprécier.

On apercevra Irès-sensiblement le vice radical d’un tel système, en supposant qu’entendant sonner une horloge, vers les dix ou onze heures du matin, on écoute attentivement les coups de cloche, sans songer, en aucune sorte, aux noms vulgaires des nombres ; il est manifeste que, quelque soin d’ailleurs qu’on y apporte,