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que l’étude des tentatives, si souvent maladroites, et d’ordinaire très-lentes et très-compliquées, des véritables inventeurs.

Ce que je désirerais ici que l’on fît pour le système entier des connaissances humaines, je n’ai jamais négligé de le faire, dans mon enseignement, par rapport à la langue des nombres. Je vais présenter ici une première leçon sur cet intéressant sujet, telle que je désirerais quelle fût faite dans nos écoles.


De même que l’habitude nous rend presque insensibles aux défauts des institutions les plus vicieuses, aux inconvéniens des usages les plus incommodes, cette même habitude nous empêche souvent de sentir tout le prix des inventions les plus ingénieuses, les plus utiles et les plus dignes de notre admiration. Nous sommes depuis huit siècles, en Europe, en possession d’une langue des nombres qui est un chef-d’œuvre d’uniformité, de clarté et de concision, d’une langue qui, en quelques heures, peut être complètement apprise, pour n’être jamais oubliée ; mais par cela même qu’elle est depuis très-long-temps connue, parlée et écrite par tout le monde, peu de personnes sentent bien toutes les difficultés que présentait l’institution d’une telle langue, et tout ce qu’il a fallu d’adresse et de sagacité pour les surmonter.

Afin donc de ne pas partager nous-même cette indifférence, aussi injuste que peu philosophique, pour une invention dont nous avons journellement à faire les applications les plus usuelles comme les plus sublimes, afin de bien saisir l’esprit et l’ingénieux mécanisme de la langue des nombres, et de former ainsi notre intelligence à l’art d’inventer, reportons-nous, pour un moment, par la pensée, à l’époque où ni cette langue, ni aucune de celles qu’elle a remplacées n’existait encore ; et où conséquemment tout était encore à créer dans cette branche de notre savoir ; et,