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On a vu souvent opposer aux idées de Ptolémée sur l’arrangement des corps célestes, et à celles de Newton sur la nature de la lumière, la prodigieuse vîtesse qu’il fallait attribuer aux étoiles dans le système de l’astronome grec et aux molécules lumineuses dans celui du géomètre anglais. Certes, il est loin de ma pensée de vouloir ici prendre la défense du système de Ptolémée, ni même de me prononcer sur celui de Newton ; mais ce n’est certes pas par ce côté qu’ils pourraient être vulnérables. Il n’est, en effet, aucune vîtesse qui puisse raisonnablement être dite prodigieuse, parce qu’il n’en est aucune qui soit tellement grande qu’on n’en puisse concevoir une autre incomparablement plus grande encore.

Nous nous plaignons souvent de la brièveté de notre vie. La vérité est pourtant que la vie humaine n’est, à proprement parler, ni longue ni courte. L’insecte éphémère qu’un même jour voit naître et mourir, peut, dans la courte durée de son existence, éprouver la même somme de sensations, d’idées et de jouissances qu’en éprouve la carpe et le perroquet, dans une carrière de plus d’un siècle. La vie est toujours trop longue quand on l’emploie mal ; elle est toujours trop courte quand on en fait un bon usage.

Nous parlons sans cesse de l’expérience des siècles, et nous nous appuyons des cinq à six mille ans de guerres, de révolutions et de désastres de tous genres dont nous possédons les chroniques, pour désespérer de toute amélioration sociale. Mais qu’est-ce, au fond, que cinquante ou soixante siècles, que serait-ce même qu’un million de siècles comparé à la durée possible des choses ? Au lieu de dire, avec quelques hommes moroses, que le genre humain touche à l’époque de sa décrépitude, ne serait-on pas tout aussi fondé à penser qu’à peine débarrassé des langes de la première enfance, il est appelé, peut-être, à des destinées que l’imagination la plus brillante et la plus féconde pourrait à peine concevoir ; et, peut-être pour peut-être, ne doit on pas préférer celui qui encourage à celui qui afflige ?