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Ce que nous venons de dire de l’étendue peut également s’appliquer à toutes les autres sortes de grandeurs, à la durée, par exemple. Si, en effet, tous les mouvemens, et par suite tous les changemens qui s’exécutent dans l’Univers, devenaient tout à coup un million de fois plus rapides ; pourvu qu’en même temps nos pensées se succédassent dans notre esprit un million de fois plus vite ; bien que la durée de notre vie s’en trouvât singulièrement abrégée, nous ne songerions pas même à nous en plaindre, attendu que nous n’aurions absolument aucun moyen de nous en apercevoir. Cette durée pourrait, à l’inverse, devenir un million de fois plus longue, sans que nous nous en aperçussions davantage, pourvu que tous les mouvemens qui s’exécutent dans l’Univers et la succession de nos pensées vinssent à se ralentir suivant la même loi.

Et ici encore nous pouvons invoquer le témoignage de notre propre expérience. Chacun sait, en effet, que, dans l’absence de tout moyen extérieur de mesurer le temps, nous jugeons fort mal de sa durée, et qu’un même intervalle de temps nous paraît tantôt plus court et tantôt plus long, suivant la disposition d’esprit dans laquelle nous nous trouvons.

Demander donc si un jour est un intervalle de temps bien considérable, est une question tout aussi insoluble que celle qui consiste à demander si une lieue est bien longue. On peut donc dire, avec vérité, que rien n’est proprement ni grand ni petit, et que ces mots grand et petit, que nous avons sans cesse dans la bouche, n’expriment que des rapports. Le ciron, par exemple, est bien petit par rapport à l’homme ; mais qu’est-ce que l’homme, par rapporta une montagne tant soit peu élevée ? Qu’est-ce que cette montagne par rapport à la terre ? Qu’est-ce que la terre, à son tour, par rapport à notre système solaire ? Et qu’est-ce enfin que ce système par rapport à la vaste étendue des cieux ?

Il est donc, rigoureusement vrai de dire que tout ce qui existe dans la nature se trouve placé entre deux infinis, l’un en grandeur