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nous en doutassions, cette grandeur pourrait varier d’instant à autre, auquel cas la réponse devrait varier, suivant l’époque à laquelle on la ferait, sans qu’on pût d’ailleurs savoir quelle elle devrait être à quelque époque déterminée que ce fût.

Mais au milieu de tous ces changemens, sinon réels du moins possibles, il reste pourtant quelque chose d’invariable, et ce sont les rapporis de grandeur des différentes dimensions des corps, comparés les uns aux autres. Tant que ces rapports subsistent, les changemens absolus demeurent tout à fait inaperçus ; de manière que ces mêmes rapports sont les seules choses perceptibles pour nos sens et pour notre intelligence ; tandis que la grandeur absolue des corps et des intervalles qui les séparent nous resteront à tout jamais inconnus.

Tout n’est pas fiction, au surplus, dans ce que nous avons admis tout à l’heure comme une simple hypothèse, et, si la chose n’était complètement inutile, nous pourrions invoquer ici le témoignage de l’expérience. Il est prouvé, par exemple, que ceux qu’on appelle myopes voient les objets plus grands, et que ceux qu’on appelle presbytes les voient, au contraire, plus petits qu’ils ne le paraissent aux vues ordinaires ; et cependant les uns et les autres en portent exactement les mêmes jugemens, parce que ces jugemens ne portent uniquement que sur des rapports, et que ces rapports sont exactement les mêmes pour tous les êtres doués du sens de la vue. Il est également prouvé que l’action de la chaleur augmente les dimensions de tous les corps, tandis que l’action du froid les diminue ; mais ce phénomène n’aurait jamais été découvert, si le chaud et le froid agissaient également sur tous les corps. C’est parce que leur action varie d’une substance à l’autre, c’est parce qa elle change les rapports de grandeur que nous avons pu en être informés ; mais aussi n’avons-nous pu saisir que les différences, et il faut nous résigner à ignorer à jamais les changemens que l’action du chaud et celle du froid peuvent opérer dans le volume absolu des corps.