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ment les grandeurs qu’ils appelaient mathématiques, de celles qu’ils ne réputaient pas être telles ? Et ne se seraient-ils pas vus de la sorte ramenés forcément à la distinction qu’il nous a semblé nécessaire d’établir. En procédant, au contraire, comme nous l’avons fait, en prenant les mots pour ce que nous leur avons fait signifier, tout se trouve dans une harmonie parfaite ; le mot mathématiques conserve son acception commune, et il devient toujours facile de distinguer nettement ce qui est du domaine des sciences mathématiques de ce qui leur est étranger. À la vérité, la signification des mots grandeur et quantité se trouve ainsi un peu plus restreinte ; mais il y a à cela plus d’avantage que d’inconvénient ; les mots ne devant figurer dans le langage que pour noter les différences entre les choses.

Par tout ce qui précède, on se trouve naturellement conduit à se demander si le domaine des sciences mathématiques est tellement circonscrit, si les limites en sont tellement invariables qu’il ne puisse recevoir à l’avenir de nouveaux accroissemens ? Cette question revient évidemment à demander si la barrière qui sépare ce qui est réputé grandeur ou quantité de ce qui n’est pas reconnu pour tel, est tellement inébranlable qu’il devienne à jamais impossible de la porter plus avant ; ce qui revient encore à demander si tels objets qui aujourd’hui ne nous semblent susceptibles que de comparaison vague, ne pourront pas, à une autre époque, être reconnus susceptibles de comparaison tout à fait rigoureuse ? Or, soit que nous comparions l’état de l’homme encore sauvage à celui de l’homme civilisé, soit que nous comparions au siècle où nous vivons ceux qui l’ont précédé, tout semble concourir à nous montrer que le domaine des sciences mathématiques est de nature à s’accroître sans cesse, et nous avertir que nous ne pourrions sans témérité tenter d’en assigner la dernière limite.

Les voyageurs ont rencontré des peuplades sauvages qui, au-delà du nombre trois, n’ont plus qu’une idée confuse des nom-