Page:Annales de mathématiques pures et appliquées, 1830-1831, Tome 21.djvu/320

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et mettre le lecteur en situation de pouvoir prononcer équilablement entre eux et nous.

La plupart des auteurs d’élémens ont appelé grandeurs ou quantités toutes les choses susceptibles d’augmentation et de diminution, et ils en avaient incontestablement le droit, puisque les mots ne sont, au fond, que de vains sons, absolument insignifians par eux-mêmes, et ne pouvant figurer utilement dans le langage qu’après avoir reçu une acception déterminée, par l’effet d’une convention tout à fait libre. Il arrivera seulement que, dans le sens de ces écrivains, tout ou presque tout pourra être qualifié grandeur ou quantité, puisqu’il n’est rien ou presque rien qui ne soit susceptible de plus ou de moins. Et ne peut-on pas être, en effet, plus ou moins éclairé, plus ou moins courageux, plus ou moins patient, plus ou moins magnanime, et ainsi du reste ?

Les mêmes écrivains ont dit ensuite qu’on appelait mathématiques les sciences qui avaient les grandeurs ou quantités pour objet ; et cela sans doute leur était encore permis. Il serait seulement résulte de leur définition des grandeurs ou quantités, que toutes les sciences auraient été des sciences mathématiques puisqu’il n’en est aucune qui ne traite de choses susceptibles de plus ou de moins. Toutefois, il n’en est aucun, sans doute, qui, interrogé si la morale ou la législation, la théologie ou la médecine étaient des sciences mathématiques, eût hésité le moins du monde à répondre que non ; ce qui prouve que, dans leur définition des mathématiques, ils avaient tout à fait perdu de vue l’acception qu’ils avaient eux-mêmes donnée d’abord aux mots grandeur et quantité.

Il semblerait, au surplus, que cette contradiction, très-réelle à ce qu’il nous paraît, n’a pas échappé tout à fait à quelques-uns d’entre eux. On rencontre quelquefois, en effet, dans leurs écrits, l’expression grandeur mathématique, de laquelle on peut inférer qu’ils admettent des grandeurs qui ne sont pas mathématiques ; mais alors n’auraient-ils pas dû distinguer soigneuse-