Page:Annales de mathématiques pures et appliquées, 1830-1831, Tome 21.djvu/315

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

réunion d’un très-grand nombre d’objets ; tandis qu’ici, dans le sens particulier que nous attachons à ces deux mots, un objet unique ; quelque minime qu’il puisse être d’ailleurs, sera réputé grandeur ou quantité, par cela seul qu’il sera rigoureusement comparable à d’autres objets d’une nature pareille à la sienne ; de sorte que, sous ce point de vue, les mots grandeur et quantité doivent être considérés comme tout à fait synonymes. Seulement le mot grandeur est employé de préférence dans le style élevé.

Il arrive assez fréquemment, dans la langue des sciences, de détourner ainsi les mots de leur acception commune, pour leur donner une signification plus ou moins différente de celle que la langue vulgaire a consacrée. C’est là, sans contredit, une chose très-fâcheuse, tant parce que, pendant un temps plus ou moins long, l’esprit éprouve une sorte de peine à séparer l’acception scientifique d’un mot, de son acception vulgaire, que parce qu’on se trouve quelquefois contraint de l’employer sous ses deux acceptions dans une même phrase, ce qui entraîne inévitablement de l’embarras dans le langage et de la confusion dans les idées, et ajoute ainsi, sans aucune nécessité ni compensation, aux difficultés que présente naturellement l’étude des sciences. Il vaudrait sans doute incomparablement mieux, en telles rencontres, créer des mots tout à fait nouveaux ; mais la répugnance du public pour ces sortes de créations, répugnance non moins invincible qu’elle est peu fondée, et qui nuit beaucoup à la netteté du langage, et par suite au développement de l’esprit humain, y oppose un obstacle insurmontable, et nous impose impérieusement la loi de parler ici comme tout le monde.

Il faut donc se tenir pour bien averti que, lorsqu’à l’avenir nous employerons le mot grandeur ou le mot quantité, ce sera comme l’équivalent de ceux-ci : objet rigoureusement comparable aux autres objets de même nature que lui. Lors donc que nous voudrons découvrir si un objet déterminé est ou n’est pas de la classe de ceux que nous nommons grandeurs ou quantités, nous n’au-