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double de celle du second, qu’il pèse neuf fois plus que lui et qu’il est onze fois plus âgé, il n’y aurait certainement rien, dans de telles assertions, qui dût nous surprendre, et nous concevrions très-aisément qu’on ait pu parvenir à assigner avec précision tous ces divers rapports. Mais si la même personne ajoutait que l’intelligence de l’homme fait, est exactement ou seulement à peu près quintuple de celle de l’enfant, nous nous récrierions aussitôt, et non sans raison, parce qu’en effet nous ne concevrions pas qu’on pût parvenir, à l’égard de telles qualités, à des comparaisons aussi rigoureuses.

Ce simple exemple suffit donc pour nous faire comprendre clairement que les objets de nos pensées peuvent être rangés en deux classes très-distinctes, dont l’une comprend tous les objets qui peuvent être exactement comparés à d’autres de même nature qu’eux, tandis que l’autre renferme tous ceux qui ne peuvent être que vaguement comparés à ceux de leur espèce. Dans la première classe, on peut ranger, par exemple, les nombres, le temps, l’étendue, soit en longueur, soit en surface, soit en volume ; dans la seconde se trouvent entre autres toutes les qualités morales et les facultés intellectuelles, tels que le génie, le courage, le désintéressement, etc.

Or, comme rien n’est plus propre à aider l’action de la pensée que d’affecter des dénominations spéciales aux objets qui se distinguent de tous les autres par des qualités qui leur sont exclusivement propres, nous convenons, pour l’avenir, de désigner sous la dénomination de grandeurs ou de quantités les objets de la première sorte, c’est-à-dire, les objets que l’on conçoit être rigoureusement comparables à tous ceux de leur espèce ; sur quoi nous devons nous hâter de faire remarquer que ces mots ne sont point pris ici sous leur acception vulgaire. Dans le langage ordinaire, en effet, le mot grandeur exprime l’état de ce qui est fort étendu ou fort élevé, soit au physique, soit au moral, et le mot quantité, équivalent du mot multitude, emporte avec lui l’idée de la