Page:Annales de mathématiques pures et appliquées, 1830-1831, Tome 21.djvu/310

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configuration propre à leur faire apercevoir ces objets d’une manière distincte. Il est pourvu de bras mobiles dont les extrémités sont ingénieusement articulées ; mais ce n’est qu’après des essais multipliés et long-temps infructueux, qu’il parvient à les diriger sûrement vers ce qu’il veut saisir, et, du moment qu’il a atteint le terme de cet apprentissage, une surveillance de tous les instans devient nécessaire pour soustraire à sa vue, pour écarter de sa main, tout ce qui pourrait le blesser, tout ce dont il voudrait imprudemment faire sa nourriture. Ses extrémités inférieures sont destinées à soutenir le poids de son corps, à le transporter vers les objets auxquels son bras ne saurait atteindre, et à le soustraire, par la fuite, aux dangers divers qui pourraient le menacer ; mais combien ne lui faudra-t-il pas de temps pour apprendre à se tenir ferme sur ses pieds, et combien de chutes douloureuses n’aura-t-il pas à essuyer avant de savoir marcher et courir ? Plus tard, et plus péniblement encore, il étudiera les sons vocaux et les caractères visuels à l’aide desquels les intelligences communiquent entre elles ; il apprendra à produire lui-même ces sons et ces caractères, et alors seulement il méritera de prendre rang dans la société et de compter pour quelque chose au milieu de ses semblables.

Peut-être aurions-nous tort de nous plaindre d’avoir été traités par la nature d’une manière si peu libérale. Si des hommes qui ont fait une étude spéciale des mœurs des diverses classes d’êtres qui vivent sur notre terre, voulaient prendre la peine d’en faire un examen comparatif, peut-être trouveraient-ils finalement que, toutes choses égales d’ailleurs, les plus industrieux et les plus intelligens d’entre eux, sont ceux-là même dont l’éducation est la plus lente. Si, en effet, la nature avait pris soin de nous garantir contre la rigueur des frimats et les ardeurs de la canicule ; si elle avait placé partout à notre portée des alimens immédiatement propres à notre subsistance ; si elle ne nous avait point environnés d’animaux hostiles, ou, si du moins elle nous avait armés