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de salaires doivent aussi s’élever progressivement, pour se tenir sans cesse au niveau du prix des subsistances[1], et que, par contre, c’est fort improprement que les traitemens des fonctionnaires et employés du gouvernement sont appelés traitemens fixes. Ils n’ont de fixe que la désignation nominale ; mais, par cela même qu’ils sont stipulés en écus, ils vont sans cesse en décroissant de valeur, comme les espèces qui les expriment. Un des nombreux gouvernemens qui se sont succédés en France pendant trente ans avait imaginé de stipuler tous ces traitemens en myriagrammes de blé. On s’est moqué de cette idée, parce qu’en France on se moque assez indistinctement de tout ; mais elle était, au fond, très-sensée ; c’était là travailler pour les siècles. Les traitemens sont aujourd’hui beaucoup plus élevés qu’ils ne l’étaient il y a cinquante ans ; et le temps n’est peut-être pas fort éloigné où le gouvernement, cédant à de justes plaintes, qui se seront faites entendre de toutes parts, se verra contraint de les élever encore : mais que n’auront pas souffert les pauvres commis à fr. en attendant l’heureuse époque où on se sera enfin décidé à faire droit à leurs réclamations.

J’ai tacitement supposé, dans tout ce qui précède, que la monnaie d’argent circulait seule. Mais, pour éviter d’une part l’inconvénient des pièces de trop petites dimensions et d’une autre celui des poids et volume de numéraire trop considérables, on a fait circuler partout, concurremment avec elle, la monnaie de cuivre et la monnaie d’or. C’est fort bien sans doute ; mais les gouvernemens, trompés par les fausses notions que le public s’est faites sur les monnaies, se sont figurés qu’il était en leur puis-

  1. Beaucoup de nos grands propriétaires, qui gémissent sans cesse du bas prix du blé, se plaignent en même temps du prix élevé des salaires. Il serait beaucoup plus commode, en effet, que les ouvriers travaillassent pour eux gratuitement, et leur achetassent ensuite leur blé à un très-haut prix.