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rer lentement, chacun a tout le temps de s’arranger en conséquence. Mais un accroissement subit et notable de la masse des métaux précieux serait un événement de nature à bouleverser tout à coup toutes les existences. La grêle, qui détruit en quelques instans les espérances du cultivateur et le fruit de ses travaux d’une année entière, est un fléau beaucoup moins désastreux que ne pourrait l’être une pluie d’or qui se répandrait sur nos campagnes ; et c’est ce que comprendront aisément, en particulier, les propriétaires de marais salans de nos côtes. La pluie d’or vient de tomber récemment à leur préjudice dans nos départemens du nord-est[1].

Il faut donc le dire et le répéter souvent aux hommes qui aiment à thésauriser, à ceux qui trouvent plus doux de prêter leur argent aux industrieux ou à l’état que de le faire fructifier par leurs propres travaux, à ceux qui se plaisent à voir briller sur leur table une grande abondance de riche vaisselle, à ceux enfin qui contractent à prix d’argent des marchés à très-long termes ; les valeurs qu’ils possèdent, bien que dans une progression plus lente, se déprécient journellement entre leurs mains, comme le faisaient dans le temps nos assignats. Une somme prêtée pour dix années seulement ne vaut plus, lorsqu’on la recouvre, ce qu’elle valait à l’époque où on en est dessaisi ; de sorte que, pour mettre une rigoureuse équité dans la plupart de nos transactions, nous aurions besoin d’une échelle de dépréciation des espèces, comme il y a trente ans nous en avions une pour le papier monnaie.

Il résulte encore de ces principes que le prix vénal des journées des ouvriers, les gages des domestiques et toutes les sortes

  1. J’écrivais ceci au moment où la découverte de masses énormes de sel gemme, sous sept de nos départemens, avait jeté l’épouvante parmi les propriétaires de nos marais salans du midi.