Page:Annales de mathématiques pures et appliquées, 1830-1831, Tome 21.djvu/216

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mis à leur domination, que peu de gens soient tentés d’aller se fixer sous un ciel étranger à celui qui les a vu naître.

Les moyens de produire du blé, du vin, de l’huile et d’autres denrées analogues se trouvant limités d’après l’étendue et la fertilité des terres, et ces objets étant destinés à se consommer, à mesure de leur production, leur masse, et par suite leurs rapports de valeurs, les uns à l’égard des autres, se conservent toujours à peu près les mêmes, ou du moins n’éprouvent que les légères oscillations qu’entraînent les alternatives de bonnes et de mauvaises récoltes. Mais il n’en saurait être de même de leur rapport de valeur avec les écus qui ne se consomment pas, et dont la masse s’accroit journellement par l’effet de l’exploitation des mines. Le peuple se plaint souvent du renchérissement progressif des denrées ; mais c’est bien plutôt l’argent qui baisse de valeur, en devenant sans cesse plus abondant. Un sac de blé ne vaut ni plus ni moins aujourd’hui qu’il ne valait au temps de Romulus, de César ou de Constantin ; car aujourd’hui, comme alors, il peut suffire à la subsistance d’un individu pendant environ trois mois ; mais aujourd’hui ce sac de blé représente beaucoup plus d’écus qu’il n’en représentait alors. On estime que, par l’effet de la découverte de l’Amérique, la masse des métaux précieux a bien plus que décuplé en Europe ; et si la valeur vénale des objets consommables ne s’est pas tout à fait accrue dans la même proportion, c’est parce qu’à mesure que ces métaux sont devenus plus abondans, le goût de la vaisselle et des autres objets de luxe, où on les emploie, est aussi devenu plus général ; de sorte que la totalité n’a point été mise en circulation sous forme de monnaie.

À moins donc qu’on ne se décide à fermer les mines, ce à quoi on ne paraît guère disposé, le progrès ascendant de la valeur vénale de toutes choses ne saurait s’arrêter, parce qu’à mesure que la masse des espèces métalliques va croissant, elles doivent, par l’effet d’une plus grande abondance, se déprécier de plus en plus. Toutefois, comme le progrès est de nature à s’opé-