Page:Annales de mathématiques pures et appliquées, 1830-1831, Tome 21.djvu/215

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leurs équivalentes ; et il en est exactement ici comme d’un épicier qui ne fait aucune difficulté de se dessaisir de ses écus pour s’approvisionner de sucre et de café. On peut juger, d’après cette remarque, les lois prohibitives de l’exportation du numéraire, dont le moindre inconvénient est d’être à peu près inexécutables[1]. Lorsque des écus sortent d’un pays, c’est d’ordinaire pour y faire entrer d’autres objets équivalens ; c’est même très-souvent en échange de matières premières qui, après avoir exercé l’industrie de ses citoyens, font rentrer, par leur réexportation, beaucoup plus d’écus que leur introduction n’en avait fait sortir. Loin que ces prohibitions soient connues des Hollandais, ils fabriquent au contraire de la monnaie pour toute la terre ; leurs écus se trouvent dans toutes les mains ; et on ne voit pas qu’ils en soient plus appauvris.

Il en va tout autrement lorsque le numéraire est exporté pour solder des subventions de guerre, ou encore par l’effet de l’émigration des propriétaires qui vendent leurs immeubles et en emportent le prix au dehors. La perte est alors très-réelle, puisque rien ne rentre en échange. Je ne prétends pas en conclure qu’on ne doive jamais faire la guerre, et encore moins qu’il faille emprisonner les citoyens derrière leurs frontières. Mais il faut du moins bien songer, avant d’entreprendre une guerre, qu’on peut finalement n’être pas les plus forts ; et les gouvernemens doivent, à l’envie, s’appliquer à rendre tellement heureux les peuples sou-

  1. Dans l’été de 1803, je me trouvais, faute de voiture, arrêté à Mayence, où ne connaissant personne, j’allais plusieurs fois le jour promener de l’autre côté du Rhin. Il me fallait chaque fois déposer au bureau des douanes les quelques écus que j’avais sur moi. Dans une de ces promenades, je trouvai, sur le pont, le domestique de l’hôtel où j’étais logé, les poches pleines d’or qu’il transportait de l’autre côté. Comme il était en veste et nue-téte ; les commis étaient tout à fait sans défiance sur son compte.