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rier sans cesse suivant le prix du blé, et qui n’empêche pas le peuple de payer quelquefois le pain fort cher, est un véritable enfantillage. Sans doute l’autorité doit veiller soigneusement à ce que la nourriture du peuple soit saine, et à ce qu’on ne le trompe pas plus sur la quantité que sur la qualité : elle doit, dans les temps de disette, favoriser les arrivages par toutes sortes de moyens ; mais là, ce me semble, devrait se borner son action ; et elle pourrait se reposer avec confiance de tout le reste sur la concurrence et l’intérêt particulier. Il est même présumable qu’alors le pain en deviendrait généralement à meilleur compte. On n’a jamais songé à taxer les glaces ni les sucreries ; et aujourd’hui on vient offrir dans nos rues, aux dernières classes du peuple, et pour le plus vil prix, des sucreries et des glaces. Les coalitions de boulangers sont-elles donc plus à redouter que celles des limonadiers et des confiseurs, incomparablement moins nombreux ? Ces coalitions seront à peu près impossibles, tout aussi long-temps qu’on ne songera pas à enrégimenter de nouveau les diverses professions, comme elles l’étaient dans un temps vers lequel on tenterait en vain de nous faire rétrograder[1].

J’ai dit que la fluctuation continuelle du prix des diverses denrées était un inconvénient auquel il fallait se résigner, une nécessité qu’il fallait subir. J’ajouterai que, lors même que certaines denrées sont parvenues à un prix excessif, ce pourrait être quelquefois une véritable duperie de livrer aux indigens, à un prix

  1. Nos Chambres législatives reçoivent chaque année des pétitions plus ou moins nombreuses de la part des marchands drapiers contre les tailleurs qui ont l’audace de vendre du drap. Un de leurs confrères de Montpellier, plus avisé qu’eus, s’est contenté d’annoncer, sur son enseigne, qu’il vendait des habits tout faits. On pourrait dire aussi à ceux qui pétitionnent contre le colportage : Qui vous empêche de vous faire colporteurs ? Ce n’est pas sans quelque surprise que l’on voit chaque année le très-libéral M. Pétou se faire le champion de ces illibéraux pétitionnaires.