Page:Annales de mathématiques pures et appliquées, 1830-1831, Tome 21.djvu/209

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est cher, dans les circonstances où l’on a coutume de dire que la vie est à bon compte.

Ce qu’on appelle proprement le prix des denrées est donc de nature à varier sans cesse, et on en peut dire autant du prix du travail. Ce peut être là une chose fort incommode ; mais si c’est un mal, il est tout à fait irrémédiable ; et même les palliatifs qu’on tenterait imprudemment de lui appliquer ne feraient, le plus souvent, que le rendre plus grave encore[1]. Je sais bien que, dans beaucoup d’endroits, l’administration fixe le prix du pain, et même quelquefois celui de la viande[2] ; mais c’est là un soin qui me paraît tout à fait superflu, et dont elle pourrait fort bien se délivrer, si l’instruction était plus généralement répandue parmi la multitude. Bien que, pour beaucoup de raisons, je ne voulusse pas le conseiller, je concevrais fort bien que, dans la vue de maintenir le pain en tous temps à un prix moyen uniforme, et de compenser ses pertes dans les temps de disette, par ses bénéfices dans des temps plus prospères, un gouvernement se réservât le monopole de la fabrication du pain, comme le nôtre, pour d’autres motifs, exerce celui de la fabrication du tabac ; mais une prétendue taxe qu’on est obligé de va-

  1. On se plaint, dans la plupart de nos départemens méridionaux, de l’excessive cherté du bois de chauffage ; mais moi, consommateur non suspect, j’oserai dire que le prix n’en est point assez élevé. De toutes les mesures contre les défrichemens, la seule vraiment efficace, serait qu’on s’accoutumât à payer le bois à tel prix qu’à égalité de surface, une forêt ne rendît pas moins à son propriétaire qu’une vigne ou une terre à blé.
  2. Précisément à l’époque où j’écrivais ceci, M. le Maire de Montpellier, à très-bonne intention sans doute, essayait de taxer la viande à l’instar du pain. Les consommateurs comprirent aussitôt que dès lors il ne leur serait plus possible d’avoir, à volonté, des morceaux de choix ; ils offrirent eux-mêmes aux bouchers de n’avoir aucun égard à la taxe ; et la mesure tomba ainsi presque complètement dès sa naissance.