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tie. Le sel, que nous ayons d’abord pris pour exemple, aurait bien été exempt de ces inconvéniens, mais, comparé à un grand nombre d’objets d’échange, il ne peut les équivaloir qu’en très-grande masse ; et voilà dès lors des frais de transport, d’emmagasinement et de surveillance très-onéreux pour les contractans. Il est en Europe tels particuliers à qui une de nos vastes capitales suffirait à peine pour réceler sa fortune, s’il lui prenait la fantaisie de la convertir toute en sel.

Le vin, bien que généralement d’une valeur beaucoup plus grande, à volume égal, conviendrait peut-être moins encore. Sa qualité peut varier, en effet, suivant le territoire et l’année où il est recueilli, et suivant les procédés de fabrication. Sa conservation exige d’ailleurs quelques soins ; et, s’il gagne d’ordinaire en qualité avec le temps, il arrive aussi parfois que le temps le détériore. Les mêmes considérations sont plus ou moins applicables à l’huile, au blé et à la plupart des fruits de la terre qui, dans diverses contrées, ont été ou ont pu être tour à tour employés comme mesure commune dans les échanges.

Quant aux pièces de bétail, outre qu’elles peuvent varier de valeur d’une manière assez notable, dans la même espèce, d’individu à individu ; outre que, pour les conserver, il faut les nourrir, et qu’elles sont sujettes aux maladies et à la mort ; que voudrait-on que fit le propriétaire d’un bœuf qui voudrait se procurer du blé ou du vin, pour la moitié seulement de sa valeur, Les mêmes motifs d’exclusion existent à l’égard des meubles, des vêtemens, des pierres précieuses et généralement de tous les objets qui ne sauraient être fractionnés sans perte. Sous ce rapport, le vin et le sel seraient de beaucoup préférables.

Nous voilà donc, par ces considérations, amenés à reconnaître que le meilleur intermédiaire dans les transactions, que la chose que l’on peut le plus volontiers se déterminer à accepter en échange de toutes les autres, doit être un objet d’un facile transport, que le temps ne puisse altérer, et dont la conservation n’exige aucun