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dans le cas même où celui qui l’accepterait n’en aurait aucun besoin pour son usage, et ne consentirait à la recevoir que dans l’espoir de l’échanger ensuite contre d’autres objets plus à sa convenance ; cette idée, dis-je, n’a pas dû tarder à éclore. Cette nouvelle manière de procéder dans les échanges, offre, en effet, des avantages faciles à saisir. J’ai aujourd’hui une surabondance de blé, que je désire échanger contre diverses autres denrées, mais on ne m’offre présentement que du sel dont je n’ai nul besoin ; je l’accepte néanmoins, et mes voisins qui en sont dépourvus, et qui apprennent que j’en possède bien au-delà de ce que je puis en consommer, viennent d’eux-mêmes m’offrir d’en échanger des portions plus ou moins notables contre ces mêmes objets que j’avais le dessein d’acquérir, et que peut-être je n’aurais pu échanger directement contre mon blé que par beaucoup de soins et de déplacemens.

Tant qu’on n’avait comparé tous les objets échangeables à un seul d’entre eux que d’une manière purement fictive, et seulement dans la vue de rendre moins nombreux les rapports à étudier pour se mettre en état de consommer facilement toutes sortes d’échanges, ce terme de comparaison pouvait, sans inconvénient, être quelconque, et l’on pourrait indifféremment tout exprimer en mesures de terre, de vin, d’huile ou de blé, en bijoux, en fruits, en têtes de bétails, tout aussi bien qu’en mesures de sel. Mais il ne pouvait plus en être de même du moment que l’on consentait à accepter, en échange de toutes les autres, la chose à laquelle on les comparait toutes ; le choix de cet intermédiaire cessait dès lors d’être indifférent.

On sent d’abord, en effet, que l’exclusion devait être donnée à toutes les choses non transportables et non emmagasinables, c’est-à-dire, aux immeubles ; elle devait l’être également à toutes les choses qui, comme les kaléidoscopes, dont nous parlions tout à l’heure, n’ont qu’une valeur d’opinion et de mode qui peut, du jour au lendemain, se trouver presque totalement anéan-