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cessité indispensable, et, à plus forte raison, pour des objets auxquels l’opinion et la mode donnent seuls de la vogue, le nombre des demandes peut, d’époque à autre, éprouver d’excessives variations. Par exemple, à une certaine époque, bien qu’il y eût, dans les magasins de nos marchands, un assez bon nombre de kaléidoscopes, la multitude des demandes leur avait fait acquérir une assez grande valeur. Aujourd hui, au contraire, que personne ne les recherche, n’en restât-il qu’un seul dans le commerce, il y serait d’une valeur à peu près nulle.

La multitude non moins que les oscillations continuelles des rapports de valeur des choses échangeables a dû bientôt devenir une source d’embarras dans les transactions, car, en faisant même abstraction de ces oscillations, il y a, par exemple, près de cinq mille manières de comparer cent objets deux à deux, et le nombre des espèces de choses échangeables s’élève bien au-delà de cent. Mais il s’offrait, pour amoindrir cette difficulté, un moyen tout à fait analogue à celui dont nous faisons journellement usage dans la comparaison des longueurs, des temps, des poids, etc. Il consistait à comparer seulement tous les objets échangeables à un seul d’entre eux, choisi arbitrairement pour cette destination. Supposons, par exemple, que cet objet soit le sel. Du moment qu’on saura que, dans les échanges, cent mesures de sel représentent également vingt-cinq mesures de blé et douze mesures de vin, on saura, par là même, que ces deux quantités de blé et de vin sont équivalentes, et peuvent devenir ainsi le sujet d’une échange immédiat. De cette sorte, il n’y aura pas plus de rapports à étudier et à retenir dans sa mémoire que de choses échangeables, ce qui est incomparablement plus simple. Voilà donc encore un pas de plus dans la voie des transactions faciles ; et ce pas n’a pas tardé beaucoup à être suivi d’un autre bien plus digne de remarque. Dès qu’en effet l’on aura pris le parti d’évaluer toutes les denrées en mesures de l’une d’elles, l’idée de recevoir celle-ci comme objet d’échange contre les autres,