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reur et l’ignorance des saines doctrines, en quelque matière que ce soit, ont toujours de honteux en elles-mêmes, il n’arrive que trop souvent que les gouvernemens même les plus éclairés sur les véritables intérêts du public, ne peuvent tenter tout le bien qu’ils désireraient, par l’obligation où il se trouvent de respecter ou du moins de ne pas heurter trop brusquement des opinions qu’ils savent d’ailleurs fort bien n’avoir aucun fondement solide, mais auxquelles le désir de conserver la paix publique n’exige pas moins qu’on sacrifie ; tant il est vrai qu’instruire les hommes c’est en même temps les rendre plus facilement gouvernables.

Je supposerai, en premier lieu, que, par quelque cause que ce puisse être, un homme se trouve contraint de passer ses jours dans un isolement absolu de ses semblables, et dans l’impossibilité d’entretenir aucune relation avec eux. Indépendamment de tout ce que cette situation aurait d’affligeant, sous le point de vue moral, on conçoit que l’existence d’un tel homme ne pourrait être que très-misérable. Nous ne faisons vile et bien, en effet, que ce dont nous faisons notre occupation unique et habituelle ; d’où l’on peut voir à quel point devrait être mal nourri, mal vêtu, mal défendu contre l’inclémence des saisons et les attaques des animaux, mal pourvu enfin des choses les plus nécessaires, celui qui, pour satisfaire ses besoins divers, serait sans cesse obligé d’exercer tour à tour les professions les plus disparates, sans avoir le loisir de se perfectionner dans aucune d’elles.

Donnons, au contraire, à cet homme une famille ; et, bien qu’alors les besoins croissent dans une proportion exacte avec le nombre des indiyidus qui pourront y pourvoir, sa situation ne s’en trouvera pas moins améliorée d’une manière très-notable. Le soin de pourvoir à ces besoins divers pourra dès lors, en effet, être réparti entre les membres de la petite colonie, en raison de la diversité de leurs forces, de leur intelligence ou même simplement de leurs inclinations. Ainsi, tandis que l’un des fils se dé-