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DE LA LANGUE

Mais il ne suffit pas de caractériser par des signes l’intonation et la durée des sons, il est nécessaire en outre d’en indiquer l’intensité. Nous n’avons pour cela, dans l’écriture musicale, que les caractères F, P, FF, PP, >, < écrits au-dessus de la portée ; mais, outre que ces signes rentrent en partie dans l’écriture vulgaire et encombrent d’une manière désagréable l’intervalle qui sépare les portées les unes des autres, il s’en faut qu’ils aient assez de précision, et qu’ils puissent exprimer nettement toutes les nuances d’intensité. Ce qu’il y aurait à faire de plus parfait pour atteindre ce but serait sans doute de varier la teinte des notes, de telle sorte que le noir le plus intense répondit au son le plus énergique, et qu’un son qui doit, à peine se faire entendre fût représenté par une note qu’on pût à peine distinguer du blanc du papier ; mais, comme cette pratique entraînerait trop de difficultés d’exécution, on pourrait y suppléer en variant la largeur des notes de manière que le son le plus plein serait représenté par une note qui remplirait exactement l’intervalle entre deux lignes consécutives de la portée, tandis qu’un son très-faible serait représenté par un trait aussi délié qu’on pourrait le faire sans qu’il cessât d’être visible, et qu’on tracerait au milieu de l’intervalle entre ces mêmes lignes.

Voilà par quelles attentions on pourrait amener notre écriture musicale à reposer sur le plus petit nombre de conventions possible ; à être, pour ainsi dire, devinée par tout le monde, sans le secours des gens de l’art, et à être presque exactement pour les yeux ce que serait pour l’oreille le chant qu’elle représenterait. Qui sait ce que la pratique de ce système pourrait exercer d’influence sur l’art, toujours parait-il assez probable qu’on s’accoutumerait à juger à la simple vue de la beauté d’une mélodie, et à reconnaître le même trait de chant partout où il se rencontrerait, par la seule courbe que formerait sur la portée la série des notes qui le caractériserait ; courbe qui serait partout semblable à elle-même[1].

  1. On prétend que notre illustre Lagrange n’a pas dédaigné de diriger quel-