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DE LA LANGUE

X. Je ne pense pas toutefois que l’on doive tomber dans l’excès contraire à celui que je viens d’indiquer. On conçoit, en effet, qu’il est à peu près superflu de remplacer par un mot unique une périphrase qui ne se présente que fort rarement dans le langage ; puisqu’en agissant ainsi on finirait par surcharger et fatiguer extrêmement la mémoire, sans abréger sensiblement le discours.

Après avoir ainsi posé les préceptes généraux que la raison semble indiquer comme devant présider à la formation de la langue des diverses sciences, nous allons en faire l’application à quelques langues particulières. Nous commencerons par la langue des sons, ou la langue musicale, qui semble être une des plus éminemment susceptibles de régularité et de précision.

On peut distinguer dans un son trois choses principales, par lesquelles seulement il se distingue de tout autre son ; savoir : 1.o ce qu’on est convenu d’appeler ton ou intonation, et qui consiste dans une plus ou moins grande gravité ou acuité ; 2.o sa durée ou le temps plus ou moins long durant lequel il se fait entendre ; 3.o enfin, son intensité ou l’impression plus ou moins énergique qu’il produit sur l’organe auditif. On pourrait encore y distinguer ce qu’on appelle le timbre ou la qualité du son ; mais, quelque fondée que soit cette distinction, elle paraît si difficile à bien ca-

    coup de répugnance. Qui empêcherait, par exemple, d’appeler simplement trièdre ce qu’on appelle vulgairement angle trièdre, d’y remplacer respectivement les dénominations d’angle plan et d’angles dièdres par les simples dénominations de faces et d’angles. On dirait ainsi : Dans tout trièdre, la somme des trois faces est moindre que quatre angles droits, et la somme des trois angles est comprise entre deux et six angles droits ; ce qui ne présenterait plus rien de désagréable à l’oreille. On peut dire, avec plus de vérité encore, de la langue des sciences exactes, ce que Voltaire a dit de la langue vulgaire, c’est une gueuse fière, à laquelle il faut faire l’aumône malgré elle.

    J. D. G.