Page:Annales de mathématiques pures et appliquées, 1821-1822, Tome 12.djvu/340

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
332
DE LA LANGUE

dans les langues vulgaires, mais ils n’y sont utiles que par cela même qu’étant des synonymes imparfaits, ils permettent d’exprimer toutes les nuances d’idées avec une exacte précision.

IV, Toutefois, il n’y a, dans l’affectation de plusieurs signes à une même idée qu’une embarrassante superfluité, mais, ce qui ne devrait jamais être toléré, et ce qui pourtant n’est malheureusement que trop ordinaire, c’est l’affectation d’un même signe à des idées différentes. Voilà, par exemple, comment nous avons, en arithmétique, des diviseurs qui divisent et des diviseurs qui ne divisent pas ; et voilà encore comment, en géométrie, les mots axe et pôle s’emploient aujourd’hui sous une multitude d’acceptions diverses[1]. Ce vice de nos langues scientifiques tient principalement à cette répugnance que nous avons tous pour l’introduction des mots nouveaux ; répugnance qu’on ne saurait raisonnablement justifier, et par suite de laquelle nous ne pouvons nous garantir des continuelles méprises qu’entraînerait inévitablement l’acception multiple des mots, que par l’attention la plus soutenue dans la construction de nos phrases.

V. Non seulement on ne doit pas affecter à une idée un signe déjà destiné à en représenter un autre ; mais il est même souvent très-bon que le signe dont on fait choix n’ait absolument aucun autre sens, soit dans la langue où on l’adopte, soit dans tout autre, que celui pour lequel on le destine. Ainsi, par exemple, Lavoisier, trompé par une fausse induction, a donné à une certaine substance le nom d’oxigène, parce qu’il a cru apercevoir en elle le générateur universel des acides ; mais, aujourd’hui qu’on sait qu’il en est au-

  1. C’est encore ainsi qu’en astronomie ce qu’on appelle longitude et latitude dans le ciel, n’est pas la même chose que ce à quoi on donne les mêmes dénominations sur la terre.
    J. D. G.