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DE LA LANGUE

savantes a cherché à fixer plus particulièrement l’attention des philosophes sur l’influence que peuvent exercer les signes sur les idées, en faisant de l’examen de cette influence le sujet d’un concours public. Je n’ai jamais eu l’occasion de lire le mémoire couronné, qui paraît être devenu postérieurement un ouvrage fort étendu ; mais j>ai toujours été surpris qu’aucun géomètre ne soit entré en lice ; parce que je conçois difficilement que tout autre qu’un géomètre puisse traiter un semblable sujet avec toute la profondeur, toute l’étendue et toute la précision qu’il comporte. Quelle autre langue, en effet, peut mettre mieux en évidence toute l’action des signes sur la pensée que celle que l’illustre Lagrange et ceux qui l’ont suivi dans la carrière ont si singulièrement perfectionnée ? et quelle langue approche plus que celle-là des conditions que devrait réunir une langue tout-à-fait parfaite ?

Je ne pense pas toutefois que cette langue elle-même soit absolument exempte de reproches ; et chaque progrès nouveau de l’analise mathématique semble même en déceler l’imperfection. Chaque jour la voit s’enrichir de nouveaux signes et de notations nouvelles, amenées par le besoin d’exprimer de nouvelles idées ; mais le choix de ces signes et de ces notations, comme celui des signes et des notations plus anciennement connus, n’étant point subordonnés à des règles et à un système général, arrêté à l’avance ; et le plus grand nombre d’entre eux s’introduisant sans aucune sorte de contrôle, et par une pure tolérance de la part de ceux qui les reçoivent ; il peut en résulter, à la longue, beaucoup de désordre et de confusion ; et la langue mathématique peut perdre ainsi, après un temps plus ou moins long, sa supériorité sur nos langues vulgaires, peut-être originairement non moins parfaites qu’elle, mais qui se seront dégradées peu à peu par des causes à peu près semblables.

Dans un tel état de choses, il peut n’être pas sans quelque utilité et quelque intérêt de poser des maximes générales sur le choix des signes ; d’éclaircir ces maximes par des exemples simples, et d’en