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RECHERCHES

conque dans l’espace ; donc, pour la même raison que ci-dessus, l’image d’une ligne droite, de quelque manière qu’elle soit située, tant par rapport à l’œil que par rapport à la surface qui sépare les deux milieux, est généralement une ligne courbe[1].

Nous terminerons en observant qu’il y a une différence très-marquée entre la manière dont nous voyons les poissons et celle dont ils nous voient. Lorsqu’en effet nous regardons ce qui se passe dans une eau claire, et point très-profonde, nous pouvons apercevoir, autour de la verticale qui passe par notre œil, tous les objets qui ne sont pas trop loin de nous et leurs images ne sont que peu déformées ; en un mot, notre situation par rapport à ces objets diffère peu de ce qu’elle serait si le liquide n’existait pas. Pour les poissons, au contraire, les images des objets situés hors de l’eau se trouvent toutes renfermées dans l’intérieur d’un cône droit ayant son sommet à l’œil et son axe vertical, et dont l’angle générateur est d’environ Les poissons se trouvent donc dans le même cas que s’ils étaient placés au fond d’un fossé creusé en entonnoir. En outre, pour peu qu’un objet soit voisin de la surface du liquide éloigné de l’axe du cône, son image, d’ailleurs très-applatie, se trouve presque sur la surface du cône et à une immense distance de son sommet, de sorte qu’elle doit presque échapper à la vue et paraître extrêmement déformée. Les poissons ne peuvent donc voir d’une manière bien distincte que les objets

  1. C’est donc une erreur de supposer, comme paraissent le faire la plupart des physiciens, que, lorsqu’on plonge en partie et obliquement dans l’eau un bâton rectiligne, la partie plongée se présente à l’œil sous un aspect rectiligne, différant seulement en direction de la partie située hors de l’eau ; La Fontaine a donc été fondé à dire :
    Quand l’eau courbe un bâton, ma raison le redresse ;

    et il se serait exprimé d’une manière moins exacte, s’il eût dit : quand l’eau brise, etc.