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THÉORIE
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Ce n’est point là, en effet, ce qui constitue la perfection des langues. Une langue sera toujours bien faite, si une abondante simplicité et une rigoureuse analogie ont précédé à sa formation ; c’est-à-dire, si ses mots radicaux, quelle qu’en puisse être d’ailleurs l’origine, sont très-courts, et offrent, dans leur plus ou moins grande ressemblance, le tableau fidèle du plus ou du moins d’analogie entre les idées simples qu’ils sont destinés à rappeler ; si de plus elle a des mots propres à exprimer, sans périphrases, toutes les idées, tous les rapports, toutes les vues de l’esprit qui sont de nature à se représenter fréquemment ; et si enfin, ces mots offrent, dans leur contexture, une sorte de tableau raccourci des diverses collections d’idées simples dont ils sont les signes. Mais on ne doit pas perdre de vue que, quelque désirables que puissent être pour les langues ces diverses qualités, les raisonnemens faits dans une langue, quelque imparfaite qu’elle soit d’ailleurs, pourront toujours être rigoureux, si tous les mots dont la signification pourrait laisser quelques nuages dans l’esprit peuvent y être nettement définis à l’aide de ceux dont, au contraire, la signification ne présente aucune sorte d’équivoque. C’est ainsi, qu’en algèbre, bien qu’un mauvais choix de notations puisse rendre les calculs plus pénibles, il ne saurait toutefois altérer la rigueur de leurs résultats.

On sent assez, d’après tout ce qui précède, ce que l’on doit penser de l’excessive délicatesse de quelques érudits qui jugent un mot mal fait, et le frappent de proscription, par cela seul qu’il est composé de parties dérivées de diverses langues ; du latin et du grec, par exemple. Il est évident qu’il ne peut y avoir à cela aucune sorte d’inconvénient, et que même on ne doit pas faire difficulté d’en user ainsi, si l’on pense que le mot rendra mieux l’idée qu’il doit rappeler, ou si seulement il en devient plus aisé à prononcer ou plus agréable à l’oreille. Nous n’hésiterions pas même à conseiller de forger des mots arbitrairement, sans les dériver d’aucune langue, toutes les fois que cette dérivation pourrait induire en erreur sur leur véritable sens, si nous ne pensions qu’il est convenable de