Page:Annales de mathématiques pures et appliquées, 1818-1819, Tome 9.djvu/36

Cette page a été validée par deux contributeurs.
32
THÉORIE
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

secret de leurs diverses migrations. Mais, là paraît devoir se borner le domaine de la science étymologique ; et chercher à l’étendre plus loin, ce serait vouloir compliquer l’étude des sciences de difficultés qui ne lui seraient pas moins inutiles qu’étrangères. Ne serait-il pas absurde, en effet, d’attacher nécessairement le succès dans l’étude d’une science au plus ou moins d’intelligence des langues d’où il a plu à ses inventeurs de tirer les mots qu’on y emploie ; et n’en résulterait-il pas cette conséquence tout-à-fait insoutenable, qu’une science qui n’aurait emprunté ses expressions à aucune langue connue ne pourrait être enseignée ni apprise ? Pense-t-on, par exemple, que celui qui étudie l’arithmétique aura une idée beaucoup plus exacte de la science du calcul, lorsqu’on lui aura révélé que le nom de cette science vient du mot latin Calculus ? Ne sera-t-il pas fondé à demander ensuite d’où vient à son tour ce dernier mot, et pourquoi les Romains l’employaient de préférence à tout autre, pour désigner les petites pierres ou jetons dont ils se servaient pour compter ? Et, de question en question, l’étymologiste ne se trouverait-il pas bientôt réduit au silence, ou, ce qui est peut-être pis, ne serait-il pas entraîné à chercher son refuge dans les savantes rêveries débitées par Court-de-Gebelin et quelques autres sur la prétendue langue primitive ?

En vain les défenseurs des étymologies diront-ils qu’en formant nos mots de portions de mots prises dans d’autres langues, nous obtenons l’avantage de montrer, dans leur contexture, leur véritable signification, et les relations qui les lient entre eux ; on pourrait toujours leur objecter, avec fondement, qu’outre qu’on atteindrait à peu près le même but avec des mots formés de toutes pièces, en supposant les avantages de cette pratique aussi réels qu’ils le supposent, ce ne serait jamais qu’une très-faible portion de la société qui en pourrait recueillir les fruits ; le nombre des hommes versés dans la connaissance des langues savantes devant toujours être incomparablement moindre que le nombre de ceux à qui ces langues sont tout-à-fait étrangères. Mais la vérité est que, loin que le re-