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THÉORIE

le sens du discours, et pourrait même le rendre tout-à-fait inintelligible. C’est pourtant là ce que font fréquemment les écrivains en métaphysique ; et nous ne voudrions pas même répondre que, maîtrisés eux-mêmes par d’anciennes habitudes, il ne leur arrive pas quelquefois d’employer le même mot tantôt dans le sens vulgaire et tantôt sous l’acception nouvelle qu’il leur a plu d’y attacher ; voilà probablement ce qui rend la plupart de leurs ouvrages d’une lecture si difficile et si rebutante.

On sent que ce serait une égale inconvenance de donner, par une définition, une dénomination nouvelle à une collection d’idées à laquelle l’usage général aurait déjà affecté une autre dénomination. C’est pourtant là ce que ne se permettent que trop souvent des écrivains qui se persuadent et cherchent à persuader à leurs lecteurs qu’ils ont des idées nouvelles, par cela seul qu’ils expriment en termes nouveaux des idées quelquefois fort communes et fort triviales, si même elles ne sont tout-à-fait fausses.

Aux règles diverses que nous venons d’indiquer, touchant les définitions, quelques logiciens ajoutent celle de n’employer, autant qu’il est possible, dans la définition, que des idées positives, et, en général, cette règle est fort bonne à observer. Cependant, comme il est beaucoup d’objets desquels nous savons beaucoup moins ce qu’ils sont que ce qu’ils ne sont pas, on ne doit faire aucune difficulté de s’écarter de ce précepte, toutes les fois qu’il en peut résulter quelque avantage sous le rapport de la clarté et de la brièveté. Il nous paraît, par exemple, que M. Legendre a très-nettement défini la ligne courbe, en disant que c’est une ligne qui n’est ni droite ni composée de lignes droites.

On donne aussi pour règle des définitions que, dans le discours, la définition puisse toujours être substituée au mot défini, sans que le sens en soit aucunement altéré. Mais il nous paraît que c’est moins là une règle des définitions, qu’une règle sur l’emploi des mots. Si, en effet, quelqu’un, après avoir défini un mot, l’emploie sous une acception différente de celle qu’il lui aura lui-même assignée,