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PAR JURY.

La loi statue donc que l’accusé sera reconnu coupable, si, ayant été déclaré tel par le jury, à une majorité jugée d’abord insuffisante, il est ensuite déclaré innocent par les juges, c’est-à-dire, par des hommes à qui, à raison d’un trop grand penchant présumé à la sévérité, la même loi n’a pas cru devoir confier exclusivement le destin de cet accusé.

La loi statue donc qu’un premier jugement dont l’expression lui semble trop équivoque peut recevoir d’un jugement tout contraire le complément de force qui lui manque ; elle statue qu’un nouveau poids, ajouté dans le bassin le plus élevé d’une balance inégalement chargée, la fera pencher davantage du côté du bassin le plus bas.

La loi, en donnant son attache à une décision prononcée par un jury, à la majorité de 8 voix contre 4, déclare par là qu’elle trouve, dans cette majorité, une garantie suffisante de la culpabilité de l’accusé. Mais, lorsqu’au contraire elle en appelle aux juges de la décision de ce même jury, dans le cas où elle n’est rendue qu’à la simple majorité de 7 voix contre 5 c’est qu’elle ne trouve plus, dans cette faible majorité, la garantie que l’autre lui offrait, et qu’elle veut lui trouver ailleurs un supplément qu’elle juge lui être nécessaire.

Mais, ce supplément de garantie, ce n’est, certes, pas dans une décision toute opposée de la part de la cour qu’elle doit se promettre de l’obtenir ; et c’est pourtant là qu’elle déclare le rencontrer.

L’opinion des juges, à raison de leurs habitudes, peut bien être suspectée, lorsqu’ils condamnent ; mais, par là même, lorsqu’ils absolvent, cette opinion doit recevoir de surcroit toute la confiance qu’on aura cru devoir lui refuser dans l’autre cas.

Et c’est pourtant par une sentence d’absolution d’un si grand poids que la loi prétend corroborer une condamnation prononcée par le jury, à une majorité équivoque.