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DE LA DÉFINITION.

trouve fixé sans équivoque ; tandis qu’au contraire l’omission d’une définition à l’égard des mots dont le sens n’est point fixé d’une manière uniforme et invariable, ne peut que rendre vagues et équivoques les propositions dans lesquelles ces mots sont employés.

Aussi voit-on que la plupart des disputes, lorsqu’on vient à les examiner de près, se réduisent à de simples disputes de mots, dans lesquelles au fond les deux parties sont d’accord et ne diffèrent que par les diverses acceptions qu’ils attachent aux mêmes mots, et desquelles il résulte que telles propositions qui paraissent évidentes à l’un paraissent au contraire à l’autre d’une fausseté manifeste.

On demande, par exemple, sur les bancs des écoles, si l’âme pense toujours ; et ceux qui soutiennent l’affirmative en donnent pour raison que l’âme est une substance essentiellement pensante ; il est clair, en effet, que, si l’on admet une telle définition de l’âme, l’âme ne peut cesser de penser sans cesser d’être une âme ; mais, par cette définition, on ne fait, à ce qu’il nous paraît, que déplacer la question ; elle se réduit alors, en effet, à celle-ci : avons-nous constamment une âme dans tous les instans de notre vie ?

De même encore, les physiciens et les chimistes disputeraient moins sur les propriétés essentielles de la matière, s’ils prenaient la peine de faire attention que le nombre et la nature de ces propriétés sont tout-à-fait subordonnés à la définition qu’on voudra adopter du mot matière. Si, par exemple, on appelle matière tout ce qui est capable d’affecter nos sens, on ne pourra contester la matérialité de la cause de la chaleur, de celles de la lumière et de celles des phénomènes magnétiques et électriques, quand même l’impondérabilité de ces divers agens serait aussi bien prouvée qu’elle l’est peu. Que si, au contraire, on appelle simplement matière toute portion d’étendue impénétrable, la question de la matérialité du calorique de la lumière, de l’électricité et du magnétisme se réduira à examiner si ces êtres jouissent ou ne jouissent pas de l’étendue et de l’impénétrabilité.