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MATHÉMATIQUE.

Aujourd’hui que les sciences exactes se sont, en quelque sorte, popularisées ; aujourd’hui que ceux qui les cultivent sont en assez grand nombre, et ne se mêlent plus, en aucune sorte, de prédire l’avenir, les princes ne se soucient guère de les retenir près d’eux, et de les traîner à leur suite ; en quoi il n’y a peut-être pas un très-grand malheur, ni pour les uns ni pour les autres. Il n’y a donc plus de mathématiciens, du moins dans le sens qu’on attachait à ce mot il y a deux siècles ; mais, il y a toujours des géomètres ; c’est-à-dire, des hommes qui cultivent librement les sciences exactes, pour leur propre gloire et l’utilité publique.

Ainsi, bien que le mot mathématicien réveille dans l’esprit des idées plus grandes et plus nobles que celles que rappelle le mot géomètre ; bien que la géométrie soit aujourd’hui une bien moindre partie des sciences exactes qu’elle ne l’était autrefois ce dernier mot a néanmoins de nouveau prévalu sur l’autre, comme au temps de Platon. Aujourd’hui, ceux qui cultivent les sciences exactes, fussent-ils même tout-à-fait étrangers à la géométrie, ce qui se pourrait en toute rigueur, se traitent généralement entre eux de géomètres ; et celui qui les appelle des mathématiciens semble, en quelque sorte y annoncer par là qu’il ne l’est pas lui-même.

Il est remarquable, au surplus, que, malgré cela, nos mesureurs de terres ont persisté à conserver le titre de géomètres mais il y a si loin de ces géomètres là aux autres que l’identité de qualification ne saurait jamais devenir une source d’équivoque. Chez les uns ce mot est l’indice d’une masse de connaissances acquises et d’une application constante à les étendre encore : chez les autres, au contraire, c’est tout simplement le nom du métier qu’ils exercent ; et ces sortes de géomètres sont, en général, aussi mauvais mathématiciens que la plupart des mathématiciens du XVI.e siècle étaient mauvais géomètres.

Si jamais les sciences exactes cessent d’être aussi universellement cultivées qu’elles le sont aujourd’hui ; si, dans quelques siècles, ceux qui en seront les dépositaires se mêlent encore ; comme autre-