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SYNONYMIE

notre Europe que les sciences exactes, en particulier, ont dû leur naissance aux débordemens annuels du Nil, à la suite desquels on était obligé de rétablir les limites des héritages, que la crue des eaux avait fait disparaître ; et comme il fallait pour cela mesurer les terres, il était tout simple que les hommes chargés de ce soin prissent ou reçussent le nom de Géomètres.

Telle fut, suivant l’opinion commune, la faible origine de ces sciences devenues depuis si imposantes par leur étendue, leur profondeur et l’universalité de leurs applications ; elles ne tardèrent pas de recevoir la dénomination de sciences mathématiques, c’est-à-dire, de sciences par excellence, de sciences qui doivent être enseignées ; mais, dès la plus haute antiquité, ceux qui se livrèrent à leur culture n’en furent pas moins indistinctement appelés Géomètres et Mathématiciens. Il parait même que la première de ces qualifications avait la préférence sur l’autre ; aussi voyons-nous que Platon, qui avait écrit à l’entrée de son école : Que nul n’entre ici s’il n’est géomètre, appelait le créateur et le conservateur de l’univers l’Éternel géomètre ; et nous voyons aussi qu’Apollonius, qui sans doute ne s’était jamais occupé à mesurer des terres, était, de son vivant même, surnommé le Grand Géomètre.

À la renaissance des lettres, en Occident, ceux qui se mirent les premiers à cultiver, bien ou mal, quelques branches des sciences exactes, ne tardèrent pas à acquérir une sorte d’influence et de considération, par cela même qui aurait dû la leur faire refuser, dans un état de civilisation plus perfectionné ; je veux dire par leur application à l’étude de l’astrologie et à la divination. Leur crédit fut d’autant plus grand que ces prétendus géomètres étaient alors en assez petit nombre. Les grands et les princes, souvent plus curieux de ce qui est rare que de ce qui est bon, voulurent donc avoir leurs mathématiciens, comme ils ont eu, à d’autres époques leurs fous, leurs nains, leurs perroquets, leurs singes, etc. ; et dès-lors le mot mathématicien ne fut plus guère que la désignation d’un emploi à la cour.