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ET SYNTHÈSE.

engouement que le talent supérieur de quelques-uns des disciples de ce métaphysicien célèbre, beaucoup plus que le mérite intrinsèque de sa doctrine, à contribué à entretenir. Peut-être se convaincra-t-on, en lisant ceci, que Condillac n’est point un guide aussi sûr et aussi utile qu’il a l’air de l’insinuer dans le dernier chapitre de son ouvrage ; et que, parmi les philosophes qui l’ont précédé, et qu’il traite avec un dédain si superbe, il en est qui ont vu, avant lui, et peut-être mieux que lui, en quoi consiste réellement tout l’artifice du raisonnement. Puisse-t-on aussi se dégoûter enfin de la manie d’employer le mot analise en toutes rencontres, sans aucune sorte de discernement[1].

38. Dans le premier chapitre d’un ouvrage très-recommandable, sous beaucoup de rapports[2] ; M. Carnot a exposé, sur l’analise

  1. Aujourd’hui, le métaphysicien qui divise un sujet compliqué en ses parties et celui qui forme des groupes d’idées auxquels il impose des noms, regardent également des opérations si différentes comme des analises. Le commentateur qui développe longuement le texte d’un livre, et l’abréviateur qui, dans un cadre réserré, nous en offre la substance, prétendent l’un et l’autre l’avoir analisé. Le naturaliste qui décrit une plante ou un insecte, tel que la nature l’offre à nos regards, et le chimiste qui, après en avoir détruit l’organisation, en met à nu les principes constitutifs, sont également réputés avoir fait une analise. On analise des pièces de théâtre, des procès, des arrêts, etc. On flatte l’amour-propre d’un homme en disant de lui qu’il a l’esprit analitique ; et un auteur qui veut attirer sur son ouvrage les regards et l’attention du public, ne manque guère d’y écrire en tête : Traité analitique. Certes, si les mots sont autant de signes institués pour différentier et distinguer nos idées les unes des autres, je ne vois pas ce qu’on peut gagner à tout appeler du même nom ? Et quand même on voudrait s’obstiner à voir quelque chose d’analitique dans tous les actes de notre intelligence ; on ne serait pas mieux fondé à les désigner tous par la dénomination commune d’analise que pourrait l’être un bibliothécaire à n’écrire uniquement que le mot livre au dos de chacun des nombreux volumes d’un vaste dépôt littéraire qui serait commis à sa surveillance.
  2. Géométrie de position, in-4.o, Paris, 1803, pages 9 et suivantes.