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ET SYNTHÈSE.

objets auxquels ces sciences sont relatives, qu’on a pu parvenir à donner tant de précision à la langue qui en exprime la nature et les propriétés. Mais, du moment que nous voudrons porter nos méditations sur d’autres objets moins simples et moins abstraits, sur des objets réels existant hors de nous, et dont nous ne pouvons apercevoir que les propriétés les plus apparentes, nous aurons beau faire et refaire la langue, nous aurons beau recourir à tout autre expédient quelconque ; nous n’atteindrons jamais à une rigueur comparable à celle qu’on rencontre dans les sciences mathématiques[1].

34. Condillac enfin répète, presque à chaque page de sa logique, qu’on ne peut aller que du connu à l’inconnu ; s’il veut dire par là qu’il faut nous prendre à ce que nous savons pour nous conduire à ce que nous ne savons pas encore ; c’est très-certainement une grande vérité, mais qui, par là même était à peu près inutile à dire[2] : Apollonius comme Euler, Archimède comme Lagrange,

  1. On a voulu, il y a une trentaine d’années, suivant le précepte de Condillac, refaire la langue de la chimie ; mais c’est le progrès de la science qui avait précédé et amené cette réforme : a-t-elle rendu cette science plus rigoureuse ? Non, sans doute ; des découvertes postérieures ont montré que la nouvelle langue avait été mal faite, sous beaucoup de rapports ; et les chimistes d’aujourd’hui mettent une partie de leur soin à corriger le travail de leurs prédécesseurs, en attendant que les chimistes à venir leur rendent à eux-mêmes un semblable service. Qu’en faut-il conclure ? C’est que le progrès de la science n’est pas tant l’effet que la cause du perfectionnement de la langue qui lui est propre. La bonne composition de la langue d’une science peut sans doute contribuer puissamment à en faciliter l’étude, tout comme, en mathématiques, des notations bien appropriées à la question dont on s’occupe, en font plus aisément rencontrer la solution ; mais, de même qu’en algèbre, on peut calculer exactement avec des notations mal choisies ; il est possible également, lorsque la nature des objets le permet, de raisonner rigoureusement avec une langue très-imparfaite et les travaux des anciens géomètres en offrent une preuve manifeste.
  2. Il faut pourtant la répéter aux grammairiens, aux praticiens qui écrivent