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ANALISE

31. Mais d’abord, comme, excepté les noms propres et ceux des idées simples, tous les mots de nos langues expriment des collections, des combinaisons d’idées, que nous avons nous-mêmes formées avec des idées simples ; on serait tout aussi bien fondé à regarder les langues comme des méthodes synthétiques qu’à les envisager comme des méthodes analitiques. Quoi qu’il en puisse être d’ailleurs, ces langues sont bien réellement des méthodes, et même des méthodes extrêmement précieuses ; mais dont le caractère essentiel et distinctif consiste à remplacer les objets de nos pensées par des signes purement arbitraires et conventionnels, n’ayant avec eux aucune liaison nécessaire ; et, comme on en use de même en algèbre, il est très-vrai de dire que l’algèbre est aussi une langue ; mais, puisque cette langue s’est perfectionnée peu à peu, et se perfectionne même encore tous les jours, il s’ensuit qu’il est faux de dire qu’on ne pouvait la mal faire. Si, en effet, il en était ainsi, elle aurait dû recevoir d’un premier jet toute la perfection dont elle est susceptible.

32. À la vérité, si, dès l’origine, l’algèbre n’a point été et n’a point pu être une langue parfaite, elle n’en a pas moins été une langue exacte et rigoureuse ; mais, prétendre que c’est à l’exactitude de cette langue que tient la rigueur dès vérités mathématiques, c’est, ce nous semble, prendre l’effet pour la cause et vice versa. Si, en effet, on a pu rendre, dès l’origine, la langue algébrique tout-à-fait rigoureuse ; c’est que cette langue n’avait à exprimer que des objets et des rapports abstraits, tout-à-fait simples et nettement circonscrits. Aussi raisonnait-on déjà très-rigoureusement sur ces objets, au moyen de la langue vulgaire, bien avant l’invention de celle-là, qui n’a fait que rendre les raisonnemens plus aisés, en les rendant plus concis, et en les ramenant à des règles presque mécaniques.

33. Loin donc que l’extrême rigueur que personne n’a jamais songé à contester aux sciences mathématiques ait sa cause dans la perfection du langage de ces sciences ; il y a beaucoup plus d’apparence que c’est au contraire à cause de l’extrême simplicité des