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ANALISE.

lieu d’en être surpris que d’une part il considère quelquefois ces deux méthodes comme n’en faisant qu’une, et que d’une autre il confesse ne rien comprendre à la première.

22. On serait même fort tenté de croire que Condillac donne aux mots synthèse et analise des acceptions tout-à-fait différentes de celles que nous avons adoptées ici[1] ; si on ne le voyait chercher l’idée qu’on doit attacher à ces mots dans la Logique de Port-Royal, qui professe, sur ce sujet, une doctrine tout-à-fait conforme à la nôtre[2].

20. Cependant Condillac nous dit sans cesse, sur l’analise et sur la synthèse, des choses qui semblent ne pouvoir aucunement leur convenir. Suivant lui, analiser c’est tantôt observer successivement et avec ordre, et d’autres fois c’est décomposer et recomposer. Nous avons pourtant vu (8) que la synthèse, aussi bien que l’analise, observait successivement et avec ordre ; mais nous avons vu aussi que l’art de décomposer appartenait exclusivement à l’analise et celui de composer à la synthèse.

24. Suivant Condillac, il appartient à la synthèse de décomposer comme de composer ; et il appartient à l’analise de composer comme de décomposer (Part. II, chap. VI) ; et il serait absurde, ajoute-t-il, d’imaginer qu’on pût raisonner en s’interdisant,

  1. Soit qu’on s’occupe de la recherche de quelques vérités nouvelles, soit qu’on veuille prouver à autrui une vérité déjà découverte, il n’y a et il ne saurait y avoir qu’une seule méthode, disent également Hobbes et Condillac. Mais quelle est cette méthode unique ? c’est la synthèse suivant Hobbes, et c’est l’analise suivant Condillac.
  2. Pour faire comprendre la différence entre l’analise et la synthèse, les auteurs de la Logique de Port-Royal se sont servis de deux comparaisons, dont la seconde est incomparablement plus claire que la première. Condillac cite tout justement celle-ci, et garde sur l’autre le silence le plus absolu (II.e partie, chap.  VI). Il faudrait, je l’avoue, un grand fond de bon vouloir, pour voir là quelque chose de moins qu’une insigne mauvaise foi.